Extrait du journal
commissaire instructeur M. Prinet. » On a consulté M. Prinet et il a confirmé cette asser tion. Il a même évalué les sommes reçues par M. de Reinach à 9.800.000 fr. L’écart qui existe entre son chiffre et le mien provient d’opérations relatives à des émissions anté rieures. La commission a donc eu, dès le premier jour, la preuve qu’il y avait des corrupteurs puisqu’elle a trouvé l’argent dont iis s’étaient servis et puisque M Prinet lui-même, appelé devant elle, lui a dit : « Je n'avais mission de rechercher que les corrupteurs; je ne me suis pas occupé des corrompus. » La justice, d’ail leurs, est venue sanctionner cette première découverte en envoyant à Mazas MM. de Lesseps, Col tu et Marius Fontane prévenus de corruption. Des corrupteurs passons aux corrompus. Mon interlocuteur m’avait dit : « Cherchez dans la maison Kohn de Reinach devenue la maison Propper, cherchez dans la maison Thierrée et dans les autres banques de Paris qui ont eu des relations d’affaires avec M. de Reinach. » M’avait-il trompé ? Non. La commission d’enquête, remplissant avec conscience son mandat, a frappé aux portes que je lui avais désignées. Chez M. Propper, elle a trouvé la preuve qu’Arton. l’un des agents de M. de Reinach dans l’œuvre cor ruptrice, avait touché un million 340,000 fr., en petites coupures ; elle a aussi trouvé la preuve qu’on avait eu le temps de fouiller dans les dossiers du haron et d’expurger sa correspondance avec Arton ; chez M. Thierré elle a trouvé vingt-six chèques. On raconte qu’à la Société des chemins de fer du Sud, d’autres documents- on été saisis, mais là c’est le gouvernement qui a agi et le gouverne ment s’est tu. Mon interlocuteur m’avait dit: « Il y aura des hommes de paille », il y a eu des hommes de paille. Il m’avait dit : « M. Floquel a fait distribuer 300,000 francs à des journaux agréables à des amis politiques. » M.Floquel a répondu qu’il s’était borné à surveiller la dis tribution, au dedans et au dehors, des fonds de publicité. Cette réponse ne supporte pas l’examen. Il y avait à Panama, un chapitre de publi cité officiel, patent; la distribution des fonds avait généralement pour motif et pour me sure l’importance commerciale des journaux et M. Floquel était hors d’état de surveiller ce chapitre. Si Arton a payé quelque chose sur ses indications, ce n’est pas sur le chapitre de la publicité, puisqu’il n’avait aucune rela tion avec la presse, mais sur le chapitre de la corruption dont il était spécialement chargé. Mon interlocuteur m’avait dit : « Le garçon de bureau Davoust, c’est Rouvier.» Davoust, c'est bien Rouvier. 11 m’avait dit : « Chevillard c’est Barbe », et Barbe c’est bien Chevillard. Ainsi, de tous les autres hommes de paille découverts jusqu’ici ; derrière chacun "d’eux il m’avait montré une personnalité politique que je n’ai même pas voulu dénoncer moimême, parce que j’estimais, comme j’estime encore, que la dénonciation des coupables appartient à la commission d’enquête et à la justice. Mon interlocuteur m’avait dit : « Le Télé graphe, journal sans valeur marchande, a été acheté 120.000 francs et 120.000 francs de dette ont été payés pour agréer à un ministre.» Le Télégraphe lui-même a reconnu le versement de celte somme et en a expliqué l’emploi. Quel est donc le point de quelque intérêt de ma déposition où j’aie été pris en défaut? Quelle est l'indication de quelque importance donnée par moi qui n'ait pas été trouvée conforme à la vérité? Où est la preuve de la corruption promise par moi et que je n’aie pas fournie? Comme député, je devais faire la preuve collective; comme député, je ne dois pas descendre aux preuves individuelles. Je ne serais pas tenu par une parole d’hon neur ou par la pitié à l’égard des comparses faméliques qui se sont nourris au râtelier de Panama, que j’aurais encore une raison pé remptoire pour ne pas livrer des noms. Si je livrais des noms, on exigerait justement des preuves individuelles. En d’autres termes, on me demanderait de me substituer à moi tout seul, sans moyen d’action, à la commis sion d’enquête munie des « pouvoirs les plus étendus; » à la magistrature qui dispose de la police et des prisons; au gouvernement qui a sous ses ordres la gendarmerie, l’armée, la marine, l’administration et un budget de trois milliards. Et regardez un peu comme s’échappent ou essayent de s’échapper ceux contre qui la preuve est faite, ceux qui, plus naïfs, et par tant plus honnêtes que d’autres, ont signé leurs chèques ou ont risqué des aveux. L’un déclare qu’il revenait de Copenhague, l’autre qu'il arrivait du Portugal ; un troisième qu’il avait perdu de l’argent dans une affaire mal heureuse. Ils ont tous des explications à don ner ; elles sont pitoyables, mais le moyen pour un simple député de l’opposition de les contrôler et de les confondre ? J’insiste sur ce point que les auteurs de ces explications sont les plus honnêtes parmi les corrompus, car les les autres qu’on pourrait qualifier de « chevaux de retour» ont pris toutes leurs précautions pour dépister les curiosités de ia justice. voulez-vous un exemple entre maints au tres ? L’un des plus compromis, celui dont...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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