Extrait du journal

vient pas, font feu aussitôt ; mais d’autres ne crient rien du tout et tirent. Il semble vraiment que chez toute per sonne ayant autorité pour punir, toute sfihsibilité soit éteinte. Devant tant de ruines et tant de cadavres, la souffrance ne paraît plus compter. Ainsi, j’ai assisté aujour d'hui à une scène extraordinaire : la veille, un homme avait été trouvé la jambe prise dans les décombres de sa maison. On avait mis à côté de lui une bouteille de cognac et quelques oranges et on l’avait laissé là, tout seul, en lui promettant qu'on revien drait s’occuper de lui le lendemain. Quand je suis arrivé sur les lieux, on venait de dé gager le pauvre diable, un chirurgien lui coupait le pied, et des femmes, des enfants, suivaient curieusement la terrible opéra tion, sans donner aucun signe d'émotion 1 Ce matin, sixième jour depuis la catas trophe, on trouve encore des vivants sous les ruines. Ils sont presque tous dans le délire, laissant échapper des mots confus, criant et riant. Quelques-uns sont morts aussitôt arrivés à la lumière du jour. Ceux qui ont encore un restant de raison ne font que crier : « J’ai soif ! » Et un malheureux, dont on était en train de couper le bras, ne faisait que crier : « De l’eau ! de l’eau 1 » semblant insensible au scalpel de l’opéra teur....