Extrait du journal

la grille, la maison du jardinier-chef dont la femme servait de concierge. Ce fut elle qui ouvrit à Daniel et le guida. Et dix minutes après, dans un vaste salon blanc où l’on s’ôtait appliqué à ne rien laisser qui ne fût du plus pur Louis XVI, le jeune homme saluait une femme grande et solide, au teint couperosé, brunie presque autant qu’une paysanne, les cheveux encore très noirs. La figure, osseuse, était énergi que et décidée .Carabine l’avait peinte, d’un mot expressif: c’était un homme plutôt qu’une femme. On s’étonnait de ne la point voir en veston de chasse et en bottes. D’allure épaisse et lourde, elle avait une originalité bien à elle, devait être franche jusqu’à l’im prudence, gaie comme les gens de santé éclatante, heureuse de sa vie au grand air, parmi les champs et les bols. Daniel lui trouva de la dureté, mais cette impression ne resta que jusqu’au moment où il la vit sourire. Elle avait, en effet, un sourire char mant qui adoucissait son visage, la rendait plus femme, la faisait presque jolie et pres que coquette. Il était difficile de supposer son âge. A vingt ans, elle avait dû en paraî tre trente. A quarante-cinq ans, elle avait l’air plus Jeune. Son entrain, sa vi gueur, la richesse de son sang revivaient dans son plus jeune fils Urbain et l’aîné, Maxime, se débattait contre l’héritage pa ternel d’une maladie nerveuse qui avait résisté à tous les soins, à toutes les consul tations, à toutes les plus ingénieuses ten dresses. Daniel expliqua l’objet de sa visite. Il s’excusa de s’adresser à ^«directe ment. Mais U ôtait étranger au pays, ne...