Extrait du journal
semblent, par une évocation sublime, appeler encore ces morts au combat pour que son talent soit demeuré, à travers ses métamorphoses, l’expres sion la plus intime, la plus vibrante, la plus exaspérée de l’âme polonaise; qu on y retrouve toutes les somptuo sités, toutes les coquetteries, cette spontanéité d’élan vers la joie et vers la douleur qui caractérise la race slave, tout cela avec une distinction suprême qui lui était personnelle et dont il faut faire encore honneur à la naissance, d’accord ! Mais il fallut notre ciel à toutes ces fleurs douloureuses pour s’épanouir, notre ciel doux aux pros crits de toutes les races, notre soleil toujours prêt à mûrir même les fruits transplantés. L’inutile défense de la patrie muti lée ! En eût-il entonné la fanfare avec le même élan, acclamé par une aussi grande fraternité du cœur, et dans un pays moins vibrant que le nôtre,moins enflammé de patriotisme, ne puisant pas dans la mémoire de ses propres épreuves, la même pitié des vaincus ? Il est permis d’en douter. Vous voyez bien que la grande renommée de Chopin est un peu notre, qu’il nous appartient par les plus hauts côtés de son génie ! Honorons les étrangers qui se don nent vraiment à nous sans réserve. Leur exemple est nécessaire au bon renom de la France. Si je n’ai pas été partisan qu’on élevât, comme il en a été question, une statue à Henri Heine qui la mérite certainement comme écrivain, c’est que je saurai toujours mauvais gré à un homme de renier son vrai pays, ce pays fût-il ennemi pour nous. A aucun prix, on ne le saurait donner pour exemple. Mais Chopin nous apporta, lui. un lambeau saignant de sa patrie dans son cœur déchiré, et l’ayant d’abord aimé pour sa grande et patriotique douleur, nous pouvons l’honorer hau tement pour le génie dont il nous paya royalement sa dette d’hospitalité ! ARMAND SILVESTRE. • ♦ La Disette du numéraire en Espagne On nous écrit de Madrid, le 4 juin : Les difficultés de se procurer de la monnaie d’argent croissent chaque jour. Ce n’est pas là un des moindres soucis du gouvernement. Vous envoyez votre ménagère au marché avec un petit billet de banque ; elle revient, son panier vide. Nulle part elle n’a pu se faire servir. Partout on refuse les billets de ban3ue. Ni le boucher, ni l’épicier,ni le marchand e volailles, à plus forte raison la fruitière ou la marchande des quatre saisons, personne ne veut changer de billet, tfeet une situation des plus embarrassantes pour le particulier. — Eh bien, alors, allez au bureau du tabac 1 ditez-vous à votre ménagère qui est revenue bredouille. Mais le bureau de tabac oppose le môme refus. Pour faire de la monnaie, il n’y a qu’un moyen : c’est d’aller aux guichets de la Ban que d’Espagne échanger vos billets. Encore la Banque a-t-elle limité le maximum de monnaie qu’elle remet aux particuliers. Ne vous présentez pas avec plus de cinq cents piécettes en billets, vous n’obtiendriez pas l’échange du surplus ; la Banque ne compte à chaque porteur que cinq cents piécettes au plus. Alors, vous envoyez votre ménagère à la Banque. Il est 9 heures du matin. Vous vous dites qu’elle sera largement rentrée pour l’heure du déjeuner. La voilà partie pour la Banque. C’est la maison à côté. En dix minu tes elles peut être de retour. Neuf heures et demie sonnent et puis dix heures. Vous com mencez à vous impatienter. Votre ménagère ne rentre toujours pas. Dix heures et demie, onze heures. Enfin, voilà la ménagère de retour. — Que diable avez-vous donc fait, Dolorès t — Seigneur, je n’ai pas perdu mon temps, croyez-le bien. Il y avait plus de deux cents personnes là-bas qui faisaient la queue, et l’on m’a dit que c’était pendant toute la jour née la môme chose. Ah l Vierge du paradis, quelle corvée l Et voilà les scènes qui se produisent cha que jour dans toutes les maisons de Madrid. Impossible de se procurer de la monnaie, en dehors delà Banque. Il y a bien les changeurs, sans doute, mais là aussi il faut se résigner à marquer le pas : les guichets sont encom brés, avec cette circonstance aggravante que les changeurs ne font pas le métier pour la gloire ou pour rendre service au prochain ; ils changent le papier sous escompte de 5 OjO. Sur un billet de cent piécettes, ils ne vous ren dent que quatre-vingt-quinze piécettes. On...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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