Extrait du journal
Nord de la France, le 1er juin., Il fut un temps, c’était à l’époque loin taine, si lointaine, do la paix européenne, où des gens compétents exposaient grave ment, en do graves ouvrages, de graves vérités du genre de celle-ci : la guerre fu ture, si elle éclate jamais, sera courte, car elle se résoudra en une seule grande ba taille qui durera huit ou dix jouro, au moins, et dans laquelle les deux adversai res épuiseront la totalité de leurs ressour ces physiques, matérielles et morales. La guerre a éclaté. Elle a éclaté depuis vingt-deux mois, ce qui la classe déjà parmi les guerres les plus longues de l’histoire. La moindre des batailles qui y ont été livrées a duré trois et quatre semaines. Après plusieurs de ces grandes et longues batailles, chacun des adversaires en pré sence dispose toujours de ressources im menses. Enfin, nous voyons les armées française et allemande engagées, devant Verdun, en une bataille qui dure depuis cent jours et qui, le centième jour, est aussi furieuse, aussi acharnée que le premier jour. Cent jours I Cent jours durant chacun desquels, du matin au soir et du soir au matin, des milliers et des milliers de nos frères — ô Français de l’arrière qui nous permettons parfois de nous plaindre des quelques menues incommodités matériel les que nous cause « cette interminable guerre » — mangent ce qu’ils peuvent, dor ment quand ils peuvent, ne s’arrêtent de creuser la terre que pour se battre et de se battre que pour se remettre à creuser la terre, vivent toute minute qui s'écoule au contact immédiat et permanent de la mort qui siffle avec les balles à leurs oreilles, qui claque au-dessus de leurs têtes avec les shrapnells, qui gronde sous leurs pieds avec les torpilles et les mines, qui explose à leurs côtés avec les marmites, qui flambe devant eux avec les jets de pétrole, et qui, jusque dans leurs rares moments do répit, tente de les happer traîtreusement en les empoisonnant avec l’air qu’ils respirent ! Depuis cent jours, ils vivent ainsi, tous, artilleurs et sapeurs, fantassins et cava liers provisoirement démontés, territoriaux et hommes de l'active, tous, môme ceux qu’on appelle encore les non-combattants, d’une épithète qui pouvait être exacte dans les guerres passées, mais qui, dans cette guerre, ne saurait plus être appliquée sans injustice, dans son sens littéral, aux brancardiers, aux médecins, aux ravitailleurs automobilistes et autres, à tous ceux, en un mot, dont le rôle n’est qu’à peine moins important et moins périlleux que ce lui des combattants proprement dits, dans la bataille moderne. Tous, ils se valent à nos yeux. Pourtant écoutez-les parler. Assistez a des entretiens où ces héros racontent en quelques mots simples, comme ils raconteraient un fait divers banal, des prouesses auprès desquel les pâlissent les plus fameux exploits de l’histoire. Ecoutez des récits d’artilleurs, de sapeurs, d'automobilistes, d’aviateurs même : dans chacun de ces récits vous cueillerez au passage, comme un refrain, un hommage spécial, direct ou indirect, rendu par tous ces braves éprouvés à la bravoure surhumaine de leurs camarades fantassins. Oui, dans cette guerre monstrueuse où la réalité a mis au plan de conceptions puéri les les prévisions les mieux documentées et les plus savants calculs théoriques d’avantguerre ; oui, dans cette bataille de Verdun, où la réalité va jusqu’à déjouer et surpas ser encore les calculs et les enseignements pratiques du début de la guerre ; dans ce cataclysme inouï, dans ce bouleversement formidable de toutes les vérités rationnel les et expérimentales, une seule vérité de meure. vérité élémentaire, antique comme la France et comme elle éternelle sans doute, puisque l’éternité de l’une est déci dément faite de l'éternité de l’autre. Cette vérité, c’est que, même au siècle de l’avion perfectionné, de la sape raffinée ct du canon lourd tirant avec une rapidité de mitrailleuse, l’infanterie reste la reine des batailles et l’infanterie française reste la reine des infanteries. Les meilleurs témoins de cette vérité nos sa...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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