Extrait du journal
Le gouvernement se préoccupe, et il a bien raison, de nous conserver le peu de gibier qui reste. Il étudie un ensemble de mesures, inégalement efllcaces, mais dont plusieurs donneront certainement de bons résultats, si on les applique avec esprit de suite, avec fermeté et surtout si on les complète. Je ne crois point, par exemple, qu’il soit fort utile de reculer jusqu'au 15 septembre l’ouverture de la chasse en plaine, mais je suis bien con vaincu que si l’on réprime le braconnage, si l’on traque impitoyablement les rece leurs, c’est-à-dire les marchands de gi bier et les restaurants, on verra petit à petit nos champs et nos bois se repeupler en lièvres, en faisans, en perdrix, en cailles, en chevreuils. Je ne parle pas des lapins, ils sont indestructibles ; mais ils ne suffira point de prendre des mesures énergiques, d'adresser aux préfets des circulaires parées de bonnes intentions ; il faudra tenir rigoureusement la main à ce que ces mesures soient appliquées et les instructions de ces circulaires suivies, sans quoi les marchands de volaille conti nueront à vendre et les restaurants à ser vir du gibier en temps prohibé. Le gouvernement devra bien se dire que, dans cette lutte contre les bracon niers et leurs complices, il aura besoin de beaucoup de fermeté s'il ne veut être battu, car il y a trop de gens intéressés à ce qu’il 11e soit pas vainqueur et ces gens sont admirablement organisés pour la défensive et même pour l’attaque. Le braconnier n’est plus ce qu’il était autrefois ; il a compris la force de l’asso ciation, il opère avec un ensemble et une discipline redoutables. Ecumeur de terre ou écumeur d’eau, il ne perd plus son temps à l'affût et, dans les rivières, il a renoncé à tendre, la nuit, ses lignes de fond. Il sème largement les collets, atta que le poisson avec la dynamite ou le ramène avec de larges filets traînants, il immole des hécatombes de perdreaux. Il ne décharge plus ou, du moins, il ne décharge que bien rarement son fusil sur un garde ; mais il en remontrerait à Scapin lorsqu'il rencontre sur sa route quel que gaillard énergique et incorruptible. Si, par contre, il se trouve avoir affaire à quelque garde ami de son repos et pas trop scrupuleux, il s’assure, à prix d’ar gent, sa neutralité bienveillante. Pendant les quinze jours qui précèdent 1 ouverture de la chasse, pendant les semaines qui suivent la fermeture et même au printemps, à l’époque des nids et des amours, les braconniers dépeu plent les chasses mal gardées et les autres. Ils prennent, au clair de lune, toute une compagnie de perdreaux, d’un seul coup, comme un pêcheur habile ramasse avec son épervier une bande de poissons; avec un filet tendu en travers de la plaine, ils arrêtent au passage les perdrix que leurs compagnons rabat tent. Rasant le sol sous la pâle clarté qui tombe des étoiles,les malheureux oiseaux viennent s’empêtrer dans leur engin, avec des filets qu’ils traînent derrière eux, ils glanent le gibier qui a pu échapper à leur première récolte. D’autres s’en vont.Avec une lampe à réflecteur cachée dans un tonneau, à la recherche des perdrix dont ils connaissent la remise ; aussitôt qu’ils les découvrent, ils projettent sur elles la clarté de leur lampe et tandis que les pauvres bêtes en sursaut réveillées et éblouies s’aplatissent dans le sillon, ils les cueillent. Ayant pour receleurs les marchands de gibier et les restaurateurs qui ne les tra hissent jamais, pour complices les gour mands qui paient très cher ces perdreaux et ces lièvres défendus, le braconnier prospère, engraisse, place de l’argent à la Caisse d’épargne, dresse ses enfants avec soin et nous ménage, comme le re nard, des nichées dévastatrices. Dans les environs des villes, le braconnage est de venu une institution. Il est, dans les campagnes reculées, un passe-temps et aussi un moyen de remplir économiquement ie garde-manger. Plus...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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