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Le Petit Marseillais, 8 octobre 1909

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Le Petit Marseillais
8 octobre 1909


Extrait du journal

nière mode, le coupe-papier de bronze. Ses regards se dirigèrent ensuite vers la statuette d’ivoire : — Elle tiendra bien aussi, remarquat-il intérieurement. Et la statuette alla rejoindre le coupepapier. — Quant aux porcelaines, réfléchit-il, c’est plus fragile. Il les mit dans une autre poche. A ce moment, il entendit une main tâter le bouton d’une porte ; mais en un clin d'œil il fut assis. Et quand le den tiste lui fit signe d’entrer dans le cabi net de consultation, son client lisait un journal illustré, d’un air bien sage. Mais il y avait une chose à laquelle le cambrioleur n’avait pas pensé. Quand un dentiste est debout, au-dessus de son patient assis dans le fauteuil opératoire, et que celui-ci ouvre une large bouche en fermant les yeux, comme on fait tou jours dans l’attente d’une douleur, le regard de l’opérateur plonge non seule ment dans cette bouche, mais aussi dans l’entrebâillement du veston. Et le dentiste aperçut, dans cet entre bâillement, la pointe de son coupepapier. Son client l’avait volé. Un homme dépourvu de sang-froid aurait dit : — Monsieur, rendez-moi ce que vous m’avez pris. Mais si le voleur eût été d’un carac tère violent — cela se voit — que se serait-il passé ? Une lutte, des coups, peut-être un assassinat ? Le dentiste se contenta de dire froidement : — Il faut l’arracher l — Ma dent ! dit le cambrioleur. Vous croyez que c’est indispensable ? Mais ça va me faire bien mal ?... — Nullement, répliqua le dentiste, d’une voix paternelle. Je vais vous endor mir. Cinq minutes et une bouffée de chloroforme. — Allez ! dit le cambrioleur, rassuré. Le dentiste lui mit un masque sur la figure et un petit tampon d’ouate sous le nez. — Ouf ! dit le cambrioleur en retom bant dans le fauteuil. Il était complètement endormi. Alors le dentiste sonna. — Allez chercher la police I dit-il au domestique qui apparut. Quand le cambrioleur se réveilla, il avait grand mal à la tête et envie de vomir, comme il arrive quand on a pris du chloroforme. Mais il reconnut tout de suite, à causes d’expériences antérieures et qui toutes n’avaient pas été fortunées, le lieu où il se trouvait. Il était chez le commissaire de police, et le perfide den tiste disait : — J’ai tout laissé en place. Par con séquent, faites bien attention en le remuant : il a mes porcelaines dans sa poche gauche, ne cassez rien. — M’avez-vous au moins enlevé ^ma dent ? demanda le pauvre cambrioleur. — Ma foi, répondit le dentiste, je n’y ai plus pensé. -HAAk Eh bien ! je vous assure que quand on se fait justice soi-même aussi spirituel lement, je trouve que c’est parfait I PIERRE MILLE....

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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