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Le Petit Marseillais, 9 octobre 1909

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Le Petit Marseillais
9 octobre 1909


Extrait du journal

viguer sans danger en temps de brume. Le ministre de la marine fut saisi de mon in vention. Mais l’affaire fut entravée. Je pris alors, au mois de mai 1909, un congé de trois mois et m’abouchai avec un syndicat tvïiP08^ de MM. Morelle, avoué, 48, rue de h a Quimper ; Legras, ingénieur à l’île Bréhat ; Vuloris. 11, rue du Pélican, à Angers; t filet, ingénieur-conseil. 11, rue l.epelletier, à Paris ; du Rusquec, avocat à Quimper, pour ‘ancer 1 affaire. J’eus avec ce syndicat des démêlés, car il voulait faire les essais de mon appareil à l’étranger, alors que je voulais qu’ils eussent lieu en France. Pour cette rai son, je leur intentai un procès. Sans ressources, avec ma femme,la vie était Ufficiie. Je demandai l’assistance judiciaire qui, une fois accordée, me lut ensuite re fusée. Plus tard enfin, je ne sais pourquoi ni com ment, je me désistai dans ce procès. Je de vais toucher de l’argent, qui ne vint pas. Sans argent, ma femme et moi ne pouvions vivre. Avant la fin de mon congé, le 15 août, je reprenais mon service, et je fus affecté au port de Toulon. Ma femme resta à Brest. Fin août, je touchai mon demi-mois et j’en voyai 140 francs à ma femme. Quelques jours avant mon départ de Tou lon, j’écrivais, à Paris et à Quimper, à deux des personnes de ce syndicat, les priant de faire parvenir à ma femme 250 francs pour me rejoindre. Je n’avais pas d’argent, ne de vant toucher ma solde que fin septembre Sans réponse, je télégraphiai, le mercredi 22 septembre, à l’une de ces personnes, avec réponse payée, demandant « si argent avait été envoyé ». Le jeudi 23 au matin, ne trou vant rien au courrier, je fus vivement con trarié. J’allais à bord et. dans un moment de folie,je prenais les 1.380 francs 55 de la caisse. Un matelot me reconduisit à terre dans une chaloupe, et, à 1 heure 19 de l’après-midi, je prenais le train pour Marseille, pour aller chercher ma femme. Voilà la femme ! Arrivé à Marseille, je compris la faute que j’avais commise Je ne m’appartins plus alors. Je nrenais le rapide et filais directement à Amiens, d’où je voulais gagner l’Angleterre. A Amiens, je changeai d’avis. Je ne voulus pas passer à l’étranger, où j’aurais pu parfai tement trouver à gagner ma vfè, car je de venais alors un traître ou taxé tel. Je reprenais le train suivant et je m’arrê tais à Diion. où je déjeunais à la terrasse d’un restaurant, en lisant le journal qui re produisait mon portrait. De là je fus à Lyon ; enfin, après y avoir séjourné quelques jours.je parlais pour SaintEtienne, où. pendant plusieurs jours, je visi tais les usines, dans la ville et les environs. J’arrivai dans votre ville, où j’ai été visiter, dans les environs, l’usine électrique que vous connaissez. , ... Depuis mon départ de Toulon, je n ai ja mais pensé que je pouvais être arrêté. Je cours partout librement. Je ne rentrerai ja mais à Toulon les menottes aux mains. J’ai commis une faute, je l’expierai. Je ne suis même pas un voleur, dit-il, car si j’ai pris 1.380 fr. 55, j’ai gardé ma solde de septembre, 500 fr., et le reste, 780 fr. 55, je l’ai remis à un ami, qui en fera la remise samedi prochain seulement, avec les clés, ainsi que je l’ai prié de le faire. Mais cette histoire de femme es* ignoble ■»« ne veux pas. dit-il, la voix étouffée, les yeux baignés de larmes, que ma pauvre femme ait pu croire un instant que j’avais une maî tresse. Je ne sais où lui écrire, ne sachant où elle est. D’abord, toute sa correspondance est saisie, et le faire serait faire connaître où je suis. C’est le seul motif, monsieur, me dit-il, qui m a poussé vers vous à la suite de la lec ture de l’article du Matin de lundi dernier. Je veux que ma femme sache que j’ai gardé pour elle la place qu’elle a occupée dans mon cœur. Le lieutenant Lair m’offre de me donner la preuve formelle de son identité, et me propose de me remettre quelques lignes de son écritine avec sa signature, si facile à connaître, dit-il. J’aerepte aussitôt, et voici les lignes qu’il écrivit devant moi : • Je suis accusé d’un vol ; je proteste, car des 1.380 fr. 55 que j’ai emportés, j’ai remis à un tiers 780 fr. 55, avec mission de les faire parvenir samedi prochain ; le reste constitue ma solde de septembre. Je suis parti seul et sans maîtresse. « 6 octobre 1909. « Lair. » Ces lignes sont écrites d’une main ferme. C’est vraiment étonnant, car Lair est dans un état d’énervement assez visible. Depuis bien tôt quinze jours il n’a pas encore connu le repos, dit-il, aussi la fatigue se dépeint-elle sur son visage. Il semble aussi que Lair soit atteint de neu rasthénie, Qu’il est malade. J’essaie de le dé tourner de ces idées noires qui le hantent, en lui faisant comprendre que cette affaire n’est qu’une peccadille, à laquelle il ajoute une trop grande importance ; je l’engage à rejoindre Toulon pour se justifier. Lair est inébranla ble. • C’est le conseil de guerre, répond-il, la honte, le déshonneur. Un sjmple soldat, un sous-officier pourrait dans les mêmes circons tances bénéficier de la loi de sursis ; un offi cier, jamais ! Je ne la lui accorderais pas. » Malgré son état d’énervement. Lair est très maître de lui ; il sait ce qu’il dit. Afin de le confondre, je lui ai fait répéter ce récit en le...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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