Extrait du journal
L'a vieille inimitié qui brouille entre eux les chiens et les chats est suffisam ment connue. Les sentiments « inami caux » qu’éprouvent réciproquement les uns pour les autres les Irlandais et les lAnglo-Saxons sont tout aussi congéni taux, irréductibles et certains. Nous autres, Français, nous avons de la peine à comprendre le principe et les raisons de ces hostilités éternelles. En effet, nous ne vivons pas du dogme de la « race b, mais de l’idée de « patrie ». Au cours des siècles, le pays que nous habitons a été traversé par toutes les in vasions que l’Asie déversait sur l’Eu rope. Les plus intelligents d’entre ces migrateurs sont demeurés chez nous. Ils ont laissé le gros du troupeau se vider en Espagne — tels les Vandales et les Gotha — passer la mer, se perdre dans les solitudes africaines. Ils se sont dit qu’ils n’avaient jamais trouvé sur leur chemin un climat si modéré, un pays si arrosé, une terre si régulière ment fertile. Ils ont pensé qu’ils n’en découvriraient, pas de meilleur au delà des horizons. Et aussi bien ce milieu in comparable les a façonnés, fondus en semble. Il a créé ce peuple si particu lier que sont les Français d’hier et d’au jourd'hui, c’est-à-dire des hommes qui ont en commun un trésor d’idées et de sentiments dont le total se nomme « pa trie b et dont la principale vertu appa raît comme de la puissance spirituelle. Il n’en va pas de môme de ces deux îles, la Grande-Bretagne et l’Irlande, qui naviguent entre la mer du Nord et l’Océan, non pas comme deux bâtiments dont, l’un serait le convoyeur de l’autre, mais comme deux vaisseaux de tonna ges différents qui aspirent à s’aborder pour se couler réciproquement. Les deux équipages de ces deux navires iront vraiment rien en commun, ni l’idéal, ni les instincts, ni les goûts, ni la religion, ni la structure physique. Tandis que l’Anglo-Saxon « fait de l’os », comme on dit dans l’argot spécial des éleveurs, l’Irlandais « fait çlu, nuise Io_». Conséquences : VAngîo-Saxon est solide ment établi dans sa charpente, mais il demeure raide, au physique comme au moral. L’Irlandais, surtout l’Irlandaise, ont la grâce pour eux. Toutes les fois que, sur un théâtre anglais, paraît une femme qui chante, qui dit, qui rit, qui danse, de telle façon que les spectateurs sont subjugués, ne cherchez pas, cette étoile est une fille d’Irlande. Elle a apporté de son pays les attaches fines, les jambes et les bras ronds, l’épaule tombante, le corsage riche, la peau d’une blancheur de lait, le teint couleur d’aurore et très souvent autour de ses yeux clairs, voire lilas, des cils noirs. Un charme conquérant sort de cette belle créature. Ceux qu’elle a un ins tant illuminés de son sourire affirment qu’elle se reprend aussi vite qu’elle se donne, qu’il ne faut pas faire trop de fond sur sa constance en amitié ni en amour. Ce sont là, nous voulons le croire, de vilaines médisances. C’est la rançon du charme qu’il déçoive ceux qui avaient cru le fixer à leur profit. Le fait est que si les filles d’Améri que, dont les mères étaient si souvent des Anglo-Saxonnes ou des Allemandes plates et sans grâce, deviennent, en une ou deux générations, ces « Americanbeauties », ces « Gibson-girls » dont la vieille Europe est un brin éprise, c’est que ces mères aux silhouettes ingrates ont épousé les splendides Irlandais que les Etats-Unis produisent à foison et qui sont au nombre des plus magnifiques exemplaires d’humanité qu’il m’a été donné de croiser dans ma promenade autour de la planète. Notre admiration, au moins notre goût, vont d’autant plus aisément à ces enfants d’Irlande que nous les sentons nos cousins par la vertu de ce fond de race celtique qui apparaît chez nous en dehors des terres armoricaines, au tra vers de l’emmêlement des métissages. Je pense souvent que si tous les hom mes du monde ont des raisons identi ques pour pleurer, chaque race a ses raisons particulières de rire. Ce qui fait rire un Allemand ne m’amuse pas. Il suffit de jeter les yeux sur les caricatu res italiennes pour être découragé par leur complication. La chère Espagne ne rit jamais. L* « humour » anglais ne franchit pas la mer ; l’ironie slave tra verse la peau et entre dans la chair. Au contraire, l’esprit, la gaieté irlan dais sont frappés au même coin que les nôtres. Si vous voulez vous en convain cre, jetez les yeux, quand vous en autpz l’occasion, sur un journal illustré pu blié par les Irlandais d’Amérique et qui s’appelle Life (La Vie). Il n’y a pas une seule des plaisanteries dont ces pages sont éclairées qui ne soit faite pour nous dérider. Jugez-en plutôt : . Deux enfants causent, des petits de sept à huit ans. Et le frère dit à sa sœur : — Tu sais, ce n’est pas le Bonhomme Noël qui apporte nos jouets, c’est un garfon de magasin. Je viens de le voir.,...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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