Extrait du journal
Tenae de Livres simplifiée S’il est encore une vérité (et il n’y en a plus guère), c’est bien celle que vient de dire M. Caillaux, quand il s’est ex primé en ces termes : « C’est quand on présente et qu’on vote une loi de dépenses que le contri buable devrait crier, non quand il s’agit de régler un compte approuvé, demandé, réclamé par tous. » Rien n'est plus exact ; et j’ai dit la même chose dans plus de mille articles, qui ont glissé sur les bons Français comme la pluie sur des canards. Il en sera de même de la parole de M. Cail laux, qui, semblable au grain dont il est parlé dans l’Evangile, se dispersera dans les airs et ne trouvera pas de sol où germer. On persistera, chaque année, à récla mer de nouvelles dépenses et à gémir en suite quand on vous demande l’argent pour les acquitter. L'Etat est comme une maison où, lorsue la famille est réunie, le soir, autour de la lampe, chacun dresse le petit compte des choses dont il a besoin. Pour le père, il faut un fusil neuf, une auto dernière mode ; la maman ne peut se passer d’une robe nouvelle, d’un man teau de fourrures ; on se moquerait d’elle si elle n’en avait pas ; madame une Telle en a bien, et madame une Telle ce n’est pourtant pas le Pérou. Les jeunes filles désirent qu’on renouvelle leurs toilettes, qu’on meuble plus délicatement leurs chambres ; les jeunes gens ont toutes sor tes de frais publics ou secrets qui exi gent un règlement. Le petit Totor veut un polichinelle et un chemin de fer, et il n’est pas jusqu’à la bonne Ursule qui, voulant prendre sa part du festin, ré clame de l’augmentation. Cela va bien jusqu’au lendemain, où le chef de la famille fait ses comptes et découvre que jamais il ne joindra les deux bouts. — Cependant, mon ami, lui fait ob server sa moitié, tout cela est indispen sable. — Je ne dis pas, répond-il ; mais ce qui est encore plus indispensable, c’est d’avoir de l’argent pour payer tout cela, et cet argent je ne l’ai pas. — Empruntons, dit la dame, à qui l’idée ne vient même pas que, de beau coup de ces choses indispensables, on pourrait se dispenser aujourd’hui, puis qu’on s’en dispensait bien hier. Alors il se passe de deux choses l’une : ou le mari, dans sa faiblesse, laisse aller les choses, achète sans souci, s’endette, se ruine, et la maison sombre dans la misère ; ou il se rebiffe, résiste, sup prime des dépenses, fait des économies, et rétablit l’équilibre. Il n’y a pas de moyen terme pour les particuliers. Malheureusement il y en a un pour l’Etat qui, lui, dépense à tort et à travers, accorde tout ce qu’on lui de mande et, quand il lui faut payer, prend l’argent où il le trouve. C’est très com mode. J’entre chez un bijoutier, je me fais livrer une parure ; puis, j’entre, à côté, chez le changeur, je prends dans un tiroir l’argent qu’il me faut et je le porte au bijoutier. Pour les particuliers, il y a des agents de police qui les arrê tent quand ils emploient ce procédé ; pour l’Etat, il n’y en a pas. C’est donc, en effet, bien commode. La bêtise des Français, c’est de tou jours réclamer des dépenses nouvelles, qu’ils appellent des réformes (rien n’est plus drôle), et de ne jamais soupçonner que c’est à eux qu’on demandera l’argent pour les payer. Le devoir d’un ministre des finances, qui aurait conscience de sa responsabi lité, serait, toutes les fois qu’entre en dis cussion un projet de loi entraînant une dépense, de monter à la tribune et de dire : — Vous savez, mes amis, ce que vous allez voter là coûtera tant. Or, je vous préviens que je n’ai pas le sou. Si vous votez cela, c’est donc exactement comme si vous votiez un nouvel impôt. Au lieu de cela, tout le monde laisse aller ; à peine s’élève-t-il quelque pro testation vague qu'on attribue, naturel lement, à l’esprit de parti ; puis,on passe au vote et, à l’article forcé de la note, il est stipulé que l’argent sera pris sur les ressources générales du budget. Ces ressources générales m’ont tou jours beaucoup amusé. Prendre sur les ressources générales d’un budget, qui n’en a pas, puisqu’il est en déficit, est aussi admirable que le mot de Robert Macaire, disant au garçon à qui il man que vingt sous : « Vous les garderez pour votre pourboire. » Le budget ne saurait fournir d’argent, puisqu’il en demande ; il est dans la situation d’un homme que l’on vient taper et qui répond en mon trant l’huissier qui va le saisir. > N’ayant pas de ressources, le budget s’en fait. De là les impôts nouveaux. « Il n’y en a pas de bons », dit Caillaux, et je l’approuve. Mais il ajoute : « J’ai pris ceux qui m’ont paru les moins mau vais. » Je doute, pour ma part, qu’il y en ait de moins mauvais les uns que les autres ; car, tout bien considéré, il n’y en a jamais qu’un et il retombe de tout son poids sur le pauvre diable. Le fardeau qu’on entasse sur les gros....
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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