Extrait du journal

et l’auteur avait eu soin qu’il fût impossible de jamais connaître son écriture. Le dégoût qu’inspire toujours pareil genre d’envoi monta au cœur de la jeune fille. Devaitelle, quand même, remettre à sa mère ce billet que le hasard avait fait tomber entre ses mains? Quelle infamie contenait-il ? Elle le prit,et,poussée par une irrésistible curiosité, l’éleva à la hauteur do la lumière de la lampe, essayant de lire à travers le papier mince de l’enveloppe. Elle distingua très bien que le contenu était écrit, comme la suscription, en caractères d’imprimei ie. Mais tout à coup elle demeura immobile, comme pétrifiée, devenant très paie. Elle lisait très distinctement en gros ca ractères « 3 lj2 ». Cela avait été coupé dans la partie du journal où sont inscrits les cours des diffé rentes valeurs de Bourse, et ces chiffres, plus gros que les autres, devaient indiquer la rente 3 ii2 pour cent. Trois et demi ! Précisément le chiffre de l’heure que lui indiquait Gérard pour leur rendez-vous! Cette coïncidence frappait Eliane étrangement. Y avait-il donc vraiment quelque rapport entre Gérard et ce garçon crasseux, entre la lettre adressée à la comtesse et le billet dont elle évoquait en ce moment chacune des expressions si pleines de tendresse et do sainte affection. Pourtant les deux papiers portaient l’un et l’autre ces mots : Trois heures et demie. Eliane réfléchit, rapidement. Au fait, ne valait-il pas mieux savoir ? Si cette lettre était pour elle, si c’était Gérard qui lui écrivait, changeant peutêtre l’heure du rendez-vous, ayant des raisons pour avoir choisi ce mode d’écri ture, il importait qu’elle le sût ! Si ce billet, au contraire, était pour sa...