Extrait du journal

peu de tolérance et de bonne grâce ; ils ne pensent pas qu’une religion énerve, abêtisse ou déprave les hommes. Ils se demandent même si la conscience, avec sa lumière vacillante, suffit tou jours à conduire les simples d’esprit; ou bien encore si la philosophie, avec ses hypothèses, peut satisfaire à tous les besoins de toutes les intelligences. Us n’estiment pointqu’on doive absolument rompre avec des choses très ancien nes, car ils savent qu’elles répondent à de vieilles habitudes auxquelles il est difficile de renoncer sans secousse. C’est ce qu’on appelait autrefois : l’esprit de tolérance, et c’est ce que M. Spuller a baptisé d’un mot très heu reux et très juste : l’esprit nouveau. Mais il n’est nouveau que relativement; c’est un phénix qui renaît de ses cendres après un long sommeil très semblable à la mort. A cette tolérance, M. Spuller ajoute la droiture, la sincérité, la franchise et une scrupuleuse fidélité à ses amis. Ce n’est pas seulement le plus honnête homme du monde, il en est le plus sûr et le plus sincère. Avec cela, courageux. Il a même ce courage, très rare et devenu presque introuvable, qui consiste à dire la vérité à ceux qu’on aime le plus, au risque de leur déplaire un peu, à leur résister quand ils font fausse route, à employer au besoin une douce violence pour les ramener dans le droit chemin. Il a combattu, en toute occasion, les fanatiques et les sectaires; il a constam ment prôné la République aimable , indulgente et ouverte à tous. N’est-ce pas M. Spuller qui a dit u-n jour : « Il ne suffit pas de rendre la République triomphante et invincible ; il faut en core la faire aimer. » Tout l’homme est là. Longtemps il a prêché dans le dé sert ; mais son désert se peuple. Ses amis louent et ses adversaires reconnaissent son calme, sa force, son argumentation solide ; tous voient en lui l’avocat du bon sens, honnête et droit, et non sans charme, qui s’attache moins à émouvoir qu’à persuader et convertir. M. Spuller est un Bourguignon de cinquante-neuf ans, vert et robuste , aux larges épaules, à la tête un peu massive qu’illumine un sourire où il y a bien de la finesse, de la douceur et de la bonté. PAUL BOSQ....