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Le Petit Marseillais, 12 octobre 1915

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Le Petit Marseillais
12 octobre 1915


Extrait du journal

Septembre 1915. Je ne sais si, en racontant l'affaire du 25 no vembre, j’ai mis suffisamment en relief le calme vraiment extraordinaire avec lequel je me suis promené au milieu des balles et des embuscades. (Qu’on me pardonne cette réflexion qui est d’un fat accompli : la suite de mon récit va me présenter sous un tel jour que je sens le besoin de me chercher, dès maintenant, des excuses. ) Calme extraordinaire, oh 1 certes ! C’est ainsi qu’en rentrant dans nos lignes, j’entre pris, au lieu de prendre le layon d’accès, de sauter par-dessus les lils de fer du réseau de défense. Entreprise folle, alors que les Boches me suivaient à quelque cinquante mètres dans le bois I Le réseau était large, los mailles étaient serrées ; je m’empêtrais à chaque pas et tombai je ne sais combien de lois ; les balles bourdonnaient à mes oreilles ; deux hommes qui venaient derrière moi furent tués. Les camarades, qui de la tranchée me re gardaient venir, ouvraient des yeux terrifiés et me criaient de faire vite. Mais j’allais en père tranquille, le sourire aux lèvres, m’amusant de leur frayeur et ravi de la prolonger. Il y a eu dans mon sang-froid, ce jour-là, une part d’inconscience : c’était ma première affaire et je ne me rendais pas très bien compte des dangers courus. Mais il y a eu surtout l’élan donné par la présence immé diate d’un chef en qui j'avais confiance, ce commandant Blavet qui si héroïquement sc fit tuer à notre tête. Je ne devais plus retrouver ce calme. Dans tous les combats auxquels par la suite j'ai pris part, il m’a fallu maîtriser ma frayeur à coups de volonté. Cette angoisse nerveuse, cette peur de la mort, ce renâclement de la bête devant l’obs tacle à sauter, ils furent particulièrement sen sibles dans la journée du 26 novembre, et les jours qui suivirent. A cela deux causes : l’ex trême abattement causé par le manque de sommeil, et. d’autre part, les fatigues de tou tes sortes que venait renforcer la dépression de la défaite. Je puis le dire, maintenant : cette fin de no vembre fut désastreuse pour nous. Malgré des succès partiels,nous ne pûmes venir à bout de la tâche entreprise, et si les Allemands per dirent beaucoup de monde, nos pertes à nous furent égales aux leurs, supérieures peut-être. J’ai d’autant moins de scrupules à faire cet aveu qu’il s’agit là d’un fait exceptionnel, uni que peut-on dire, dans l’histoire de cette année de guerre. Avec leurs habitudes d’attaquer par masses compactes, les Allemands ont toujours offert à nos coups des cibles merveilleuses et leurs victoires mêmes ont été payées d’un tel prix que pour expliquer des prodigalités pa reilles, il faut mettre en avant, en plus de l’inconscience développée par des théories tyranniques, la cécité que produit un orgueil sans bôrnes. , Après l’attaque du 25 au matin, la compa gnie, ou mieux, ce qui reste de la compagnie, se rassemble dans notre tranchée, attendant l’ordre de tenter une nouvelle attaque. Vers la fin de l’après-midi, la pluie se met à tomber. Le sol —■ pierreux ou argileux, Je ne...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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