Extrait du journal
M. Klotz a déposé le projet de budget de Van prochain ; puis il s’en est allé. Ce budget demande 250 millions de plus aux contribuables que celui de cette année. C’est, je crois, en 1903 que M. Bouvier reprochait déjà aux députés de demander des économies en votant de nouvelles dépenses. Les députés ne sont, comme quelquesuns se plaisent à le penser et à l’écrire, ni de malhonnêtes gens, ni des gens inin telligents. Bien au contraire, ils sont, en majorité, très sensés et très probes. Mal heureusement, ils sont peureux. Et le premier hurluberlu venu, qui leur pro pose de diviser la lune en petits quartiers pour en donner un à chacun des élec teurs, verra sa proposition favorable ment accueillie, de peur qu’un journa liste ou un orateur de réunion publique ne cloue un jour au pilori celui qui a refusé son vote par cette apostrophe fou droyante : « Vous voyez bien celui-là ; il a refusé de donner la lune aux électeurs. » Mais si les députés votaient selon leur conscience et leur jugement, comme les choses iraient mieux 1 Combien, à pro pos de telle loi ou de telle autre disent : « C’est idiot, mais je' ne peux pas faire autrement que de la voter. » Or, cette peur de l’électeur, qui n’est pas un sentiment très noble,est, en outre, tout à fait irraisonnée. Les électeurs que je défends à leur tour ne sont pas du tout des bêtes. Seulement, ils n’ont pas le temps de juger le pourquoi et le com ment qu’on ne leur explique pas. Quel qu’un vient leur dire que leur député leur a refusé la lune, tandis que le député voisin l’a accordée ; ils en concluent que le voisin est meilleur que le leur, attendu qu’ils auraient bien voulu la lune. Mais si leur député se donnait la peine de leur expliquer comment la lune ne leur servirait à rien, et comment il est impossible de la leur donner, ils com prendraient très bien. Je me souviens que, lorsque j’avais le désagrément d’être conseiller général, un de mes amis avait refusé d’accepter une motion absurde, consistant à exclure de toute fonction de l’Etat les enfants oui n’auraient pas été élevés dans une école laïque. Naturellement, mon ami, qui était dans le bon sens, vu que ce n’est pas la faute des enfants, et que plus d’un des meilleurs républicains se trouve dans ce cas, fut traité de traître et de clérical par les imbéciles. Mais la première fois qu’on lui fit ce reproche dans une réunion, il se contenta de dire : « Mes amis, vous avez presque tous été élevés dans une école de Frères. Si une pareille loi était votée, aucun de vous ne pourrait plus être facteur, ni canton nier. » Je vous assure qu’ils comprirent admi rablement. Ce qui fait que, en matière budgétaire, ils ne comprennent pas, c’est que les re cettes sont séparées des dépenses, et que rien n’est spécialisé. Le citoyen français à qui vous donnez de l’argent et dont vous améliorez la situation ne voit pas autre chose ; celui à qui vous demandez l’impôt ne voit pas autre chose non plus. Ni l’un ni l’autre ne se rendent compte que c’est la même chose. Il faudrait, pour bien faire, que l’im pôt ne fût pas réclamé d’une façon glo bale, mais expliqué en détail à chaque contribuable. Toute taxe nouvelle devrait avoir en face sa raison d’être, de façon à ce que chacun pût se dire : « Si je suis augmenté de tant, c’est que j’ai voulu, ou qu’on a voulu pour moi, telle et telle chose. » Je crois que si un tel procédé pouvait s’employer, les électeurs deviendraient bien moins exigeants, et que, au lieu de remercier le député qui aurait nécessité une augmentation de charges, ils le rece vraient avec fraîcheur. Plus d’un trouve une opération excellente parce qu’on ne lui dit pas d’avance ce qu’elle coûtera, et les électeurs sont contents jusqu’à ce qu’ils se changent en contribuables. Autre chose est le dîner, autre chose est l’addition. Les députés disent à leurs électeurs : « N’avons-nous pas bien fait de vous gratifier de ce menu ?» Et les électeurs sont dans l’enthousiasme. S’ils étaient logiques, et s’ils ajoutaient : « Maintenant, il faut le payer 1 » ils se raient criblés de pommes cuites. Tout le mal vient de ce qu’on ne veut pas se persuader que le contribuable et l’électeur sont un seul et même homme. HENRY MARET....
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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