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Le Petit Marseillais, 13 octobre 1899

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Le Petit Marseillais
13 octobre 1899


Extrait du journal

La chose est absolument décidée : nous durons l'an prochain, à l’Exposition uni verselle, un congrès de femmes. La date en est déjà choisie. Du 18 au 23 juin 1900, l'élite intellectuelle féminine tiendra de solennel les assises. Le local est dès aujourd’hui prêt ; ce sera ce grand palais tout neuf qui ouvre sur la Seine do larges baies enso leillées. Do nombreux congrès se réuniront là aussi, où des orateurs venus des quatre coins de l’univers s’exprimeront dans tou tes les langues. Toutes les questions qui Intéressent l’humanité seront étudiées et la plupart ne seront jamais résolues. On re muera des idées tant et si bien qu’elles deviendront troubles. C’est là d’ailleurs le résultat d’à peu près tous les congrès. El pourtant,celte perspective ne m’effraye pas pour le prochain grand conciliabule de femmes. Je crois, en effet, que sous le rap port de la langue on prête au beau sexe jne réputation qu’il ne mérite pas. Les femmes, quand elles parlent, ne disent pas plus de bêtises que les hommes, et de plus, elles ont une excuse, celle de ne répéter lue ce que nous-mêmes avons dit. J’ap prouve donc tout à fait le projet qu’on nous annonce et je crois même qu’il doit réussir. Seulement il s’agit de s’entendre.Et c’est sur la question de programme qu’il pourrait m’arriver d’être en désaccord avec nos futures congressistes. Je lis que le prochain congrès de femmes a déjà llxé son ordre du jour. De grands problèmes sociaux seront débattus par les plus éloquents et sans doute les plus jolis apôtres. L’assistance par le travail, les œuvres de préservation et de relèvement, l’éducation individuelle, l’hygiène de la famille, les sociétés coopératives dé pro duction, la pédagogie pratique, l’enseigne ment agricole, etc., etc., tels sont les arti cles sur lesquels s’acharneront les discus sions. Et ce programme m’inquiète parce que je suis sur que nos aimables congres sistes seront incapables d’en venir à bout. Je connais trop les devoirs de la galan terie pour me permettre une critique sévère ; mais il me semble que le prochain congrès s’appliquera à des études qui ne sont point de son ressort. Les intelligentes et généreuses personnes qui rêvent de faire jouer à la femme un rôle social que la loi ne lui a pas donné ont le grand tort de faire fi de nous autres hommes. Elles oublient, en effet, que toutes les questions inscrites à leur programme sont plutôt de notre compétence. Les réformes qu’elles réclament et que pour la plupart je recon nais indispensables, ne seront réalisées que si nous intervenons. Il convient même do reconnaître que si déjà le sort de la femme dans notre société s’est amélioré, ce n’est pas parce que le féminisme s’est agité, mais parce que de nobles esprits ont donné une forme raisonnable à ce qui le plus souvent n’était que billevesées. Le congrès (le femmes qui se réunira en juin 1900 me paraît avoir des prétentions ambitieuses et inutiles. Les problèmes qu’il se propose de résoudre sont depuis long temps le souci des grands penseurs. On n’a pas attendu que l’univers fût Invité à passer sur lu nouveau pont Alexandre pour mettre à l’étude les hautes questions de morale et d’économie sociale qui intéressent la femme. On n'a qu’à ouvrir nos Codes pour y trouver la trace de ces graves préoccupations. Le législateurs est même allé si loin en son désir de réformes que bientôt, dans nos palais de justice, dames et demoiselles pour ront plaider, la toque sur le chignon. Je crains qu’en leur congrès les femmes ne se livrent à des rabâchages et que des plus fraîches lèvres du monde il ne sorte que de vieux refrains. Résistance, préser vation, relèvement, pédagogie, tout cela a été déjà traité par des bouches à mousta che et sur bien des points des progrès importants ont été accomplis. Et voilà pour quoi l'idée me vient d’apporter une modi fication au programme et de varier l’ordre du jour. il nous faut, l’an prochain, un congrès de femmes d’abord ; le spectacle en sera déli cieux, et puis, il est des questions dont le déhat s’impose. Le féminisme a d’habitude le tort de planer sur des sommets philoso phiques ; je voudrais le voir descendre de ces hauteurs au foyer de la maison. Je veux bien qu’une toute petite élite, qui n’a pas autre chose à faire, se penche sur les algôhres sociales ; mais il importe que les autres femmes aient le sens de la réalité. Je vais sans doute passer pour un esprit terre à terre, mais je rêve d’un congrès dont les soucis de ménage seraient l’objet. 11 est des tas de questions, en effet, que nous autres hommes verrions traiter avec...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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