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Le Petit Marseillais, 14 avril 1884

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Le Petit Marseillais
14 avril 1884


Extrait du journal

M. Léon Say a été préfet de la Seine, quatre fois ministre, président du Sénat et ambassadeur à Londres. Maintenant, il écrit dans les journaux. Cela ne lui suffit point. Son ambition, bien qu’un peu nonchalante, s’accommode mal de cette pa resse forcée et de cette retraite qui se prolonge. Il a, cependant,pour se consoler et prendre patience: de grandes relations,un grand journal,une grande fortune et l’amitié de M. de Rothschild. C’est quel que chose ; mais, comme l’écrivait Mérimée à son inconnue « il paraît que, lorsqu’on a eu quelque temps un portefeuille rouge sous le bras, on se trouve tout chose quand on l’a perdu, comme un Anglais sans parapluie.» M. Léon Say a donné son parapluie à M. Tirard, il voudrait bien le lui re prendre. Quand je dis qu’il le lui a donné, j’exagère;prêté tout au plus. Personne n’ignore, en effet, que si le ministère des finances fonctionne encore tant bien que mal, en dépit de la collaboration de MM. Ti rard et Labuze, c’est uniquement parce que M. Léon Say y règne et gouverne sous le couvert de M. Pallain. Celui-ci mène tout et M. Léon Say le mène. Mais quels que soient le dévouement et l'ad miration que le maître inspire à l’élève, il y a quelqu’un qui s’incline encore plus respectueuse ment devant M. Say que M. Pallain. c’est M. Tirard lui-même. Aussitôt que son prédécesseur parait dans un couloir, il se précipite, sollicite un bout d’explication sur une question quelconque et re mercie ensuite avec effusion, comme s’il avait compris. Tant d’humilité et d’innocence n’émeut guère ce < gros égoïste, » dur et insensible comme un roc. Gros égoïste! le mot est de Thiers, et doit être pris comme il a été prononcé, en bonne part. Egoïste, il l’est, sans doute, mais il est surtout sceptique. Il ne croit à rien, pas même à l’économie politi que, cette science admirable qui mène à tout, à la condition qu’on la quitte au bon moment ; il ne croit pas même à la liberté ; il croit tout au plus au savoir-faire et à l’à-propos. M. Thiers l’avait bien jugé, mais quelqu’un qui vit dans son inti mité a réussi à le peindre encore mieux et d’un seul trait : « c'est un énorme sceptique. » 11 faut ajouter qu’à ce scepticisme, qui est déjà une force, il joint des études sérieuses, de l’ac quis, le maniement des affaires et un grand mé pris des hommes que son passage au ministère des finances a naturellement augmenté. A tout cela vient s’ajouter un bonheur constant qui le suit et le fait réussir dans toutes ses entreprises; c’est un homme heureux, un veinard. 11 est vrai qu’il a beaucoup aidé la fortune. On parlait de son esprit bien avant le jour où on ne contesta plus son talent d’écrivain et sa valeur d’économiste. Dès ses débuts à l’assemblée nationale, il s’ôtait fait une situation vraiment considérable par sa parole facile, par la lucidité et la souplesse de son esprit, par son caractère conciliant, même à outrance. Il fallut la roideur désagréable et agres sive de M. Buffet pour avoir raison de ce partipris d’amabilité ; le président du conseil d'alors fut tout surpris de trouver dans ce ministre sou riant un dogue et un dogue qui mordait. Du reste, sans être méchant, M. Léon Say ne pardonne pas...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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