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Le Petit Marseillais, 14 juillet 1899

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Le Petit Marseillais
14 juillet 1899


Extrait du journal

Ce long voyage a valu à M. Foa la grande médaille d’or de la Société de Géographie de Paris et des distinctions analogues de la part de nombreuses sociétés savantes de province et de l’étranger. Le grand public ne saurait tarder à ratifier ces jugements des sociétés savantes, lorsqu’auront paru les trois ou vrages en lesquels M. Foa compte narrer son expédition. Du premier publié de ces trois ouvrages, dont nous donnons le titre plus haut, nous extrayons volontiers l’émouvant récit suivant d’une chasse au lion : c’est, croyons-nous, la meilleure façon de recommander au public le stÿle toujours simple, clairet naturel employé par M. Foa pour narrer ses exploits cyné gétiques. « A quatre heures et demie du matin, du vil lage môme où Ton dansait, j’entends partir des cris nombreux, un brouhaha de voix. Je me précipite aussitôt dehors, mon fusil à la main, suivi de mes hommes, a ce moment, une femme éplorée vient se Jeter à mes pieds, sc tordant les mains et criant que le lion a pris son fils. < Dans l’obscurité que sillonne le va-et-vient lumineux des torches de paille, nous courons au village. Renseignements pris, le lion a enlevé le pauvre garçon au moment où, entr’ouvranf la porte d’une case, il passait dehors le haut du corps pour prendre du bois à brû ler qui était resté sur le seuil... «On comprend que, après les cris poussés par les gens du village, le lion n’a pas dû res ter au milieu d’eux ; d’ailleurs, à la lueur des torches, Il est impossible de trouver aucune trace. Il faut attendre.,. « Dès qu’il fait assez clair pour suivre une piste, nous allons près de la case où l’enfant a été enlevé: mais les piétinements des gens ont enlevé toutes les traces. Sur la petite véranda qui entoure la case se voit néanmoins l’em preinte des griffes d’une des pattes du félin : au bout d’un instant nous trouvons la piste derrière la case, ce qui prouve qu’il l’a con tournée. « Quelques gouttes de sang commencent ensuite à se montrer: l’animal a suivi une des rues du village qui mènent à la rivière,passant avec son fardeau devant plus de vingt huttes. Nous arrivons ainsi au bord de l’eau, où l’ani mal a fait balte, déposant sa proie à côté de lui : une petite mare de sang l’indique. Il a ensuite traversé la rivière, qui a un pied d’eau ; il a descendu le courant pendant qua tre ou cinq mètres et est entré dans les roseaux qui la bordent. « Avant de m’y engager, j’envoieTambarika (un des rabatteurs de M. Foa) regarder, à la lisière extrême de cette broussaille épaisse, s’il y a des traces de sortie. Un sifflement bien connu nous prévient qu’il y en a; nous pre nons donc le sentier pour arriver plus vite. Après un parcours dans les herbes,nous voici dans une petite plaine; un bois vient après,où nous trouvons des caillots de sang et la cein ture de perles que le pauvre petit portait autour des reins, puis un morceau de son pagne arraché par un buisson. Une grosse mare de sang montre l’endroit où la bête a commencé à déchirer sa victime; mais il y a déjà plus d’une heure de cela. « Enfin, sur la lisière opposée du bois, nous nous engageons dans les hautes herbes, quand un grondement nous arrête net. Tous, nous écoutons. L’ennemi est la l Va-t-il charger ?... On n’entend plus rien... J’arme mes chiens avec soin, Je fais tenir à portée de ma main mes six coups de chevrotine ; je réfléchis bien si tout est prêt, et j’entre dans les herbes, le doigt sur la gâchette, l’œil fixé devant moi, l’oreille tendue, sans faire avec mes pieds le moindre bruit... A dix mètres devant nous, nous entendons un froissement dans les her bes dont nous voyons les têtes s’agiter, mais rien de plus. « Nous continuons à avancer lentement. Ah l voici un arbre sur la droite. Vite un signe à Kambombé (autre rabatteur) qui grimpe com me un singe. En deux enjambées, il est à la fourche et regarde : « L’enfant est ici, dit-il « d’une voix étouffée, mais pas de lion. » Puis, tournant la tète à gauche : « Le voilà i... vite, « par ici... » Guidé par son geste, je cours sur ma droite ; puis, une réflexion me venant, je fais signe d’approcher aux gens du village qui nous suivent et, d’un mouvement de bras, je leur Indique de contourner les herbes à gau che... « Kambombé, de son arbre, me renseigne à voix basse : « il s’en va... non, il revient par ici... il s’ar rête et regarde du côté des hommes... il hérisse sa crinière... Tenez, il vient de votre côté... au pas... Ah l si vous étiez ici I Comme je le vois bien 1 il regarde derrière... Le voilà l Le voilà 1... Reculez un peu, reculez l « On comprend avec quelle anxiété j’écoute ces paroles. Suivant l’avis qui m’est donné, je recule de deux pas ; mes hommes sont der rière moi, leurs armes prêtes : « Ne tirez qu’en cas de nécessité, » leur dis-je. « Les herbes frôlées s’inclinent en avant, puis s’écartent, et le lion sort à huit mètres de moi, au pas, regardant derrière lui, préoccupé par le bruit des voix. En tournant la tête, il m’aperçoit, immobile, montre les dents et renâcle sans sc détourner de son chemin ; sa queue, au même moment, se dresse ; il aplatit scs oreilles: il va charger. A cet instant.Vayant /A i du fusil et visant la nuque, je presse la gâchette... scs quatre pieds s’affaissent sous lui, il s’abat raide mort, sans un mouvement. « C’est avec une balle creuse que j’ai fait ce coup magnifique. Si on frappe l’animai là où le crâne commence et où le cou finit, bien au milieu de son épaisseur, il tombe foudroyé. » La recette est bien simple, comme nos lec teurs le voient. M. Edouard Foa en donne beaucoup d’autres, tout aussi simples, dans les Chasses aux errands fauves \ c’est ainsi qu’il...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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