Extrait du journal
fortifier le corps et Vâme par la pratique de ces exercices ? Il faut que l’enfant s’accoutume de bonne heure à compter sur lui seul, sur sa force et sur son adresse; et il ne saura les déployer plus tard que s’il s’y est préparé dès son jeune âge, à ses risques et périls. En Angleterre, il pa rait que dans les établissements d’édu cation les accidents de la récréation sont très nombreux et quelques-uns fort graves. Jamais les parents ne se plaignent et ne songent à demander des comptes au surveillant. Leur fils revient la tête en compote; c’est de sa faute. Il n’avait qu’à ne pas se laisser battre; il a un bras cassé,tant pis pour lui. C’est sans doute qu’il aura fait un faux mouvement. Ce lui sera une leçon pour plus tard. Les familles anglaises tiennent les accidents pour des hasards malheureux ou pour un en seignement profitable; elles n’en font jamais aucun bruit; et si une mère s’avisait, en un cas pareil, de porter ses doléances devant un ministre ou de vant un juge, ce serait un toile de ré probation dans toute l’Angleterre. La mère chez nous, quand on lui ramène son fils avec un œil au beurre noir, ne manque jamais de s’en pren dre au proviseur. Que fait-on donc dans ce lycée ? On ne surveille donc pas les récréations ! Les enfants peuvent ainsi s’abîmer entre eux,sans qu’aucun maî tre intervienne ! C’est donc un pays de sauvages ! Et des lamentations ! et des récrimi nations ! et des objurgations ! On écrit au recteur et parfois même, hélas ! on écrit aux journaux, dont quelques-uns ont la faiblesse de s’associer à ces plain tes et de faire campagne. Vous imaginez quel doit être l’en nui des chefs de maison ainsi accusés ! Aussi ont-ils presque tous une peur abominable de ces scandales possibles. Leur plus grand souci, comme leur premier intérêt, est de les éviter. Que font-ils? Eh! mon Dieu,ils partent de ce principe que les enfants qui se promè nent gravement dans une cour de ré création sont moins exposés à se casser un bras ou à se faire une bosse au front que ceux qui jouent, courent, sau tent ou se battent. Us proscrivent donc tous les jeux qui peuvent donner lieu à des accidents. Je sais tel lycée où le saute-mouton a été interdit ; il est vrai que c’était à la suite d’un poignet démis. Mais n’est-il pas absurde de condam ner ainsi, par peur d’accidents assez improbables, des garçonnets à l’immo bilité ? Ne craint-on pas de diminuer leur énergie en leur inspirant ainsi la crainte des coups et de la douleur ? Oui, sans doute, les jeux anglais sont parfois dangereux ; oui, le foot-ball et surtout le cricket renvoient quelquesuns de ceux qui y prennent part toujours mordus et souvent mal en point. Mais ces jeux trempent l’àme et durcissent le corps. Ils dressent la machine hu maine à faire face,plus tard,à toutes les éventualités de la vie. L’enfant qui a passé par cette école est un vrai homme. Les bras cassés se remettent; les yeux pochés guérissent;mais ce qu’on ne recouvre jamais, quand on l’a perdu ou qu’on ne l’a pas développé, c’est le cou rage et la présence d’esprit. L’enfant qui a pris l’habitude de guetter une balle et de l’attendre en face, au ris que de la recevoir sur l’œil, qui sait rattraper au vol et la renvoyer juste au camp ennemi, cet enfant-là, quand il sera homme, portera dans la vie les mêmes qualités de sang-froid, d’énergie et d’adresse. Le jeune Anglais est tou jours animé d’une superbe confiance en lui; il ne compte jamais sur les autres ; il sait qu’il fera son trou, en jouant tout seul des épaules, et il le fait. Soyez sûr qu’il doit en partie ce caractère aux jeux de son enfance. Je dirai donc aux mères françaises : Tâchez d’imiter ce stoïcisme, ne jetez pas les hauts cris pour un horion ou un bobo qu’aura attrapé M. votre fils, en jouant ou en se battant avec ses ca marades. Il est bon pour lui qu’il joue...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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