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Le Petit Marseillais, 15 mars 1894

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Le Petit Marseillais
15 mars 1894


Extrait du journal

Or, les statistiques que nous avons publiées ici même montrent combien peu progresse le mouvement des marchandises transpor tées par voie de mer, alors que cette pro gression est constante pour les marchan dises transportées par vole ferrée. Il res tait cependant à nos caboteurs un aliment presque certain, le transport des vins ex pédiés des régions viticoles du Midi et de l’Ouest vers le Nord de la France. C’est cet aliment que le cabotage français est menacé de perdra par l’adoption du tarif spécial que les Compagnies de chemin de fer ont présenté à l’homologation du ministre des travaux publics. Si le gouvernement adopte ce tarif, les vins expédiés directement des principaux centres producteurs de notre région à Paris ou à Arcueil ne payeront plus que 28 fr. la tonde. A ce prix, la concurrence du cabotage et de la batellerie devient impos sible, car les prix de transport par la voie maritime ou par la voie fluviale, qui actuel lement sont en dessous du prix des che mins de fer, se trouveront alors au-dessus sans qu’il soit possible de les réduire. Quelques chiffres font mieux comprendre la situation respective des armateurs et des compagnies do chemins de fer. Les vins de Béziers, par exemple paient, 5 fr. 50 pour être transportés à Cette, le port d’embar quement le plus proche ; de Cette à Paris ils paient 27 fr., soit au total 32 fr. 50. Le prix actuel par voie ferrée, de Béziers à Paris étant de 47 fr. 10 il reste un écart suf fisant pour que l’avantage reste au trans port par mer. On estime d’ailleurs qu’un écart de 10 fr. en moyenne est nécessaire entre les prix des transports par voie fer rée et par voie maritime pour compenser le coulage des barriques, le transborde ment, la longueur du voyage. Avec le nouveau tarif spécial, le trans port par chemin de fer ne coûtant plus que 28 fr., le cabotage et la batellerie ne peu vent plus lutter. Pour comprendre que le taux du fret entre Cette et Paris est en quelque sorte irréductible, il suffit de dé composer ce chiffre de 27 fr. en ses prin cipaux éléments : De Cette ou de Port-Vendres à Rouen, la tonne de marchandise paie 16 fr. 40 ; les frais de manutention à Cette et à Rouen s’élèvent à 2 fr.; l’assu rance est fixée à 2 fr. 50 ; enfin, le trans port de Rouen à Paris, coûte 16 fr. 10, total égal 27 fr. S’il n’y a rien à réduire de ce côté, il n’y a pas davantage à rabattre sur le coût du transport par voie ferrée du centre de production au lieu d’embarque ment. Cependant presque tous les bateaux à va peur affectés au cabotage entre le Midi, l’Ouest et le Nord de la France n’embar quent guère dans notre port que 200 à 250 tonnes de marchandises diverses;après quoi il vont compléter leur chargement à Cette ou à Port-Vendrcs avec des vins qu’ils transportent au Havre, et par transborde ment à Rouen et à Paris. Le jour où ils n’au ront plus ces vins à transporter, ils devront renoncer à exploiter cette ligne côtière qui est déjà bien peu rémunératrice. Mais l’avenir du cabotage français n’est pas seul en cause dans cette affaire,et ceuxlà mêmes qui espèrent retirer le profit le plus immédiat de cet abaissement de tarif pourraient bien avoir à en souffrir grave ment dans l’avenir. C’est-à-dire que le commerce général des vins sera, lui aussi, ruiné par ce déplacement des marchés de la région du Midi et que les propriétaires eux-mêmes étant un jour à la merci des grands négociants de Paris qui auront ac caparé tous les vins français, seront obligés de vendre leurs produits à bas prix. C’est ce que fait bien ressortir, dans son rapport à la Société pour la défense du commerce, M. E. Salles, quand il dit : « Nous voyons là une tentative de décen tralisation qui est absolument contraire à nos tendances et aux intérêts généraux de la viticulture et du commerce en général, il faut nous opposer à ce déplacement des affaires, car en détournant un commerce qui est la richesse d’un pays, on ruine tous ceux qui ont contribué à sa prospérité. « La viticulture suit la destinée du com merce. Les propriétaires du Midi ayant perdu leurs marchés de vins seront déso rientés et seront obligés de s’adresser aux grands négociants de Paris pour l’écoule ment de leurs produits. S’ils sont pressés de vendre, ils accepteront les offres ruineuses qui leur seront faites, conséquence fatale d’un marché unique. Dans le cas contraire, alléchés par le bas prix de transport et l'espoir, ils feront prendre à leurs vins le chemin de la consignation à Paris. Nous savons tous ce que cela veut dire. Le trans port à bon marché, dont ils ne bénéficieront pas, sera contre eux ; il aidera à accumuler à Paris marchandises sur marchandises, et le stock devenant considérable, la déprécia...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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