Extrait du journal
Le dernier article que j’ai écrit dans le Petit Marseillais sur l’attitude du public de Marseille aux représentations de la Comédie-Française m’a valu un certain nombre de lettres, qui m’ont été fort agréables, parce que j’y ai vu que j’avais touché juste. Deux ou trois, dans le nom bre, ont attiré mon attention sur des points particuliers et m’invitent à y re venir. Vous vous rappelez peut-être que j’avais marqué mon étonnement que, dans la Fille de Roland, la chanson des deux épées,un si beau morceau de poésie dit avec tant de chaleur et de force par Mounet-Sully, n’eût pas soulevé chez vous le moindre applaudissement. Un de vos concitoyens m’écrit à ce sujet : « J’assistais à cette représentation le La Fille de Roland sur un banc du parterre, et, à la sortie du premier acte, mes amis et moi nous échangeâmes nos impressions sur ce premier acte. Ma pre mière réflexion fut celle-ci ; Je ne com prends pas que la chanson des deux épées n’ait pas enlevé la salle.C’est d’une inspiration merveilleuse,d’un souffle très puissant, et Mounet y a mis toute son âme. Un de mes amis m’interrompit et me dit : Mais vous-même, vous n’avez pas applaudi. Pourquoi ? « J’ai cherché longtemps une réponse, une explication, et le reproche mérité que vous nous adressez aujourd’hui m’y fait réfléchir à nouveau. « La Fille de Roland était peu connue à Marseille. Une troupe de passage qui avait pour chef de file Mmo SegondWebcr, nous en donna une représenta tion au Gymnase, il y a quelques années déjà. Le rôle de Gérald était tenu par un artiste de second rang, ce qui fit, sans doute, que la chanson des deux épées passa inaperçue. Avec Mounet, ça a ôté une révélation. « Vous savez mieux que personne que, d’une façon générale,le premier acte sert l’introduction à la pièce, et que rarement les auteurs y placent le passage à effet. Le public a donc l’habitude d’écouter le premier acte d’une pièce qu’il ne connaît pas, avec une certaine réserve, et il ne s’emballe pas, parce qu’il craint pour le reste de la soirée. «Je ne connais pas assez l’œuvre deM. le Bornier, ne l’ayant vue qu’une seule fois, et encore dans des conditions où l’attention se porte plutôt sur les inter prètes que sur la pièce elle-même pour en risquer une critique. Mais je crois que si cette chanson était, avec quelques variantes, placée au quatrième acte, au moment où Gérald va combattre le Sarrazin, ce morceau soulèverait la salle. « En somme, je veux dire que si le public n’a pas applaudi, c’est que cette chanson est venue le surprendre et que lorsqu’il s’est ressaisi, il était trop tard. « Veuillez me pardonner, Monsieur Dt cher critique. « Un Habitué du parterre. » La chanson des deux épées pourrait malaisément être changée de place, car toute la pièce roule sur Durandal, reprise aux Sarrasinspar Gérald à qui l’empereur a confié Joyeuse. La chanson est donc une sorte de préparation ; une prépara tion d’un beau tour lyrique, mais une préparation. Je causais précisément avec un des artistes de la tournée de la froideur avec...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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