Extrait du journal
Il y a peu de temps, une cinquantaine de personnes se rassemblaient dans le bourg suisse de Sainte-Croix, dans le canton de Vaud, pittoresquement juché sur la montagne. Les unes venaient des environs immé diats ou de Lausanne ; d’autres des diftérents cantons de la Suisse, d’autres de France ou d’Italie. Quelques-unes,même, arrivaient de loin, des pays d’outre-mer. Elles étaient de conditions diverses. Certains de ces voyageurs avaient bonne mine, semblaient ne s’être rien refusé, en route, avoir tait le chemin dans les meilleures conditions possibles. D’autres étaient beaucoup plus modestes, ne me naient qu’un petit train, prenaient gîte à l’auberge la plus simple... Le lendemain de leur débarquement fans le pays, tous se rendaient dans une vieille maison, aux murs massifs qui,mal gré les réparations successives, a gardé son caractère archaïque et ils s’enfer maient là pendant quelques bonnes heu res. Ce défilé de jeunes gens, d’hommes murs et de vieillards, était fait pour intri guer le touriste, se trouvant là par ha sard. Il eût été bien davantage surpris si on lui eût dit que tous ceux qui pénétraient donc l’antique demeure portaient le même nom — le nom de Jaccard. L’objet de la réunion était curieux, en effet, et, peut-être, unique. Quand tous lurent entrés, se casant tant bien que mal dans les pièces du rez-de-chaussée de la maison, le plus âgé fut appelé aussitôt à une sorte de débonnaire présidence. Il prit une longue liste et il se mit à la lire. Il procédait à un «appel.» La réponse : «Présent!» était la plus fréquente. Cependant, de temps en temps, un proche parent de l’appelé, répon dait : «Mort!» ou «N’a pu venir.» Quand cette liste fut épuisée, un au tre assistant monta au bureau improvisé et commença, lui, au milieu de l’atten tion générale, la lecture de comptes, donnant minutieusement des détails de chiffres... Qu’est-ce donc qui se passait ? La date était venue d’une des grandes assemblées qui se renouvellent en ce bourg de Sainte-Croix, depuis près d’un siècle et demi maintenant, — depuis l’année 1754. Ces assemblées générales, qui ont lieu à des époques déterminées, présentent un des plus originaux exemples qui soient de solidarité familiale. L’histoire vaut, je crois, la peine d’être contée — et qui sait s’il n’y aurait pas à en tirer quelque profit ? En cette année 1754, donc, il y avait un vieil homme « banderet » ou magis trat de son village, qui, ayant encore bon pied, bon œil, d’ailleurs, et, surtout, le cerveau bien lucide, s’avisa d’une idée qui n’était pas banale. Il y réfléchit mûrement, en fit part à ses enfants, qui l’approuvèrent, et, un beau matin, prenant la plume, il rédigea l’acte do fondation de la « Caisse chari table des Jaccard » — institution privée qui dure toujours et qui n’a cessé de prospérer. Cette pérennité de la fonda tion de l’ancêtre des Jaccard n’est pas le Irait le moins curieux. Cet acte commençait en ces termes naïfs et touchants, en somme : « L’expérience de tous les siècles nous apprend qu’il n’y a rien de plus in-...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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