Extrait du journal

public, il a été révolté comme les autres, et fort étonné de l’être. FRANCISQUE SARCEY. Comme les années précédentes, nous avons la bonne fortune de pouvoir donner à nos lec teurs la primeur des beaux vers lus diman che. à la séance de l’Académie, par le poète populaire, M. Hlppolyte Matabon. Une male énergie, un souffle patriotique ardent animent cette pièce. Mère et Patrie, dont l’auteur sem ble avoir voulu prouver que toutes les cordes de la lyre lui sont familière, depuis les plus douces jusqu'aux plus vibrantes. Le poète avait du reste, pour la dire, trouvé dans son cœur des accents que nous regrettons de ne pouvoir reproduire avec la poesie qui les avait inspirés. MÈRE & PATRIE Pendant ces jours d’horreur où la France, trahie En ses derniers efforts, allait être envahie, Des braves, entraînes par un jeune garçon, Tentèrent d’arrêter un régiment saxon En marche vers un bourg voisin de la frontière. Pillant et massacrant, la noire fourmilière Grimpait déjà le long des pentes du coteau Qui domine le bourg, au versant du plateau, Lorsque des coups de feu, suivis de cris de rage, Ralentirent l’ardeur de la horde sauvage. Les premiers au sommet, reçus à bout portant, Roulèrent, foudroyés... Cent autres, à l’instant, S'élançant à l’assaut et fouillant l’embuscade,— Dix contre un! — firent taire, enfin, la fusillade... De ces héros obscurs, tombés jusqu’au dernier, Un seul, resté debout, demeura prisonnier. Hardi comme un lion, c’était l’enfant!... La haine Et la honte empourpraient le front du capitaine Quand devant lui parut le fier adolescent... Aux soldats furieux, l’officier, frémissant D’avoir payé si cher un stérile avantage, Allait commander :< Feu !» quand, soudain, son visage Prit une expression de froide cruauté : « Veux-tu vivre? » fit-il à l’enfant garrotté Sous les fusils en joue. « Il faut, vois-tu, me dire «Tout ce que tu saisi...» L’autre eut un pâle sourire, Mais garda le silence... «Ah! tu ne réponds rien !... « Pour délier ta langue, ici, peut-être bien, » Reprit-il sourdement, la face convulsée, « Quelqu’un va nous aider!...» Une atroce pensée Flamboyait dans ses yeux... Avec un jurement : « Cherchez la mère! » aux siens dit-il en allemand. L’ordre put s’accomplir. Et du village en flamme Revinrent les soldats, entraînant une femme, Paysanne hàlée, aux cheveux blanchissants, Droite et forte, malgré la douleur et les ans. A l’aspect du jeune homme adossé contre un arbre, Elle demeura calme et froide comme un marbre. Pendant qu’on la liait à quelques pas du fils, Elle entendit ces mots : « Enfin, tu m’as compris ! « Dis les secrets des tiens !... C’est ta vie et la sienne « Si tu n’obéis pas !... — Non! » fit l’Alsacienne. « Tais-toi ! tais-toi, mon fils ! ta mère le defend ! « D’une autre mère, aussi, dis ? n’es-tu pas l’enfant ?... « Si tu la trahissais, ton nom, celui d’un père, « Serait déshonoré!... Fais ton devoir !—Ma mère!... « Je suis vieille... Veux-tu, » dit-elle avec fierté, « Flétrir mes derniers jours par une lâcheté ?... «Va! je saurai mourir! — Non ! non, c’est impossible ! «Vous voir là,devant moi,frappee! O meurtre horrible! « Arrêtez!... — Parle donc! * rugit «'homme, anxieux... Sur le poignard du chef l’enfant dardait ses yeux... «—Pitié! vous saurez tout., oui, tout.. Mais une grâce! «Souffrez, un seul instant, qu’à genoux je l’embrasse, « Pour qu’elle me pardonne, et qu’elle sache, hélas ! « Qu’entre elle et mon pays, non ! je n’hésite pas!...» A ce cri, le Saxon, soudain, s’est laissé prendre, Fait délier le fils et, tout brûlant d’apprendre, Se rapproche d’un pas.Quand,plus prompt quel’éclair, Au ceinturon du chef 1 enfant saisit le fer, Le frappe ! Et bondissant vers les bourreaux, leur crie : « Tuez-nous! j’ai vengé ma mère et ma patrie!...» HIPPOLYTE MATABON....