Extrait du journal

Le Syndicat général des terrassiers vient de lancer le premier numéro de son jour nal corporatif. Titre : Le Terrassier avec une vignette qui montre, enfourché par un ouvrier triomphant, un pauvre diable de patron qui, les yeux fous et la langue pen dante, traîne à quatre pattes sa sacoche éventrée et son « maître de demain ». L’illustration est suave. Elle montre vers quelles idées supérieures les rénovateurs de la société s’efforcent d’élever les âmes ouvrières. Les premiers journaux du syndicalisme donnaient aux travailleurs de Aères attitu des. Leurs vignettes, pour symboliser la liberté, faisaient luire un soleil à l’horizon des chantiers, et, pour symboliser l’égalité, donnaient au Progrès auréolé un cortège de bourgeois et de prolétaires. L’aboutisse ment de la lutte des classes devait être une telle justice dans une si parfaite concorde que les emblèmes corporatifs comportaient une accolade fraternelle du capital et du travail. Tout cela excitait d'assez nobles passions. Ce sont d’autres passions qu’on excite à présent. Finis les rêves généreux de la poli tique sociale qu’un jeune pur, au conseil municipal de Marseille, il n’y a pas long temps, qualifiait de politique à la vaseline. La devise républicaine est usée avant que d’avoir servi. Les révolutionnaires en ont une toute neuve qui fait de la liberté des anciens opprimés un moyen de tyrannie contre les oppresseurs vaincus. Il n’est plus question de justice morale. Ceux qui disaient : « Tous pour chacun », commencent à dire : « Chacun son tour. » Leur rêve, c’est que l'ouvrier affranchi sub juge à son tour le patron, fasse du bour geois sa bête de somme et, en guise d'épe ron, lui donne de la pioche dans le flanc — comme l’indique la vignette du Terras sier. Cette image indigne la conscience. Mais qu’est-ce que la conscience en regard de la philosophie affirmée par le Terrassier dans son article de fond qui s'intitule : De la Conscience à la Philosophie et mon tre qu’il y a loin de ceci à cela. La prose est digne des idées du journal qui réclame des organes analogues pour toutes les corporations. Il paraît que trop d’ouvriers s’attardent encore aux doctrines d’harmonie sociale ! Eh bien, non, ces ouvriers ne sont pas trop, ne seront jamais trop pour s’élever audessus des droits de la conscience humaine qui veut abolir les iniquités et non pas substituer une iniquité à une autre. Ceuxlà ne veulent pas être les écrasés, et ils ont raison. Mais, ils ne sauraient vouloir être des écraseurs, et ils s’étonneront d’appren dre que M. Jaurès approuve, avec éloges, la philosophie de terrassement inhumain divulguée par le Terrassier. L. FABER. Dans un précédent article, une coquille nous a fait traiter M. Jaurès de vessie. Le respect que nous avons de son talent nous empêchera de manquer d’égards envers M. Jaurès. Et nous tenons à dire que nous avions, au lieu de « vessie » écrit « messie », ce qui n’est pas encore une injure. Il reste que les grévistes ont tort de prendre quel quefois les Messies pour des lanternes. L’Occupation de l’Ourfdaï Le Drapeau français au Cœur de l'Afrique. Un Tyran marchand d'Esc laves. — Nos Troupes à Abecher. — Un nouveau Sultan. — L'Avenir du Pays....