Extrait du journal
qui soutenaient également le bon com bat pour la liberté, il jeta aux quatre vents, dans ce coin de la Corse, la semence d’où est sortie, plus tard, la moisson républicaine. Les deux frères, Alexandre et Fran çois, avaient été divisés par des ques tions de famille ; ils ne se voyaient pas depuis des années, et cependant, quand l’ainé mourut, quand il fallut lui choisir un successeur politique, l’instinct popu laire, toujours si juste et si généreux, se tourna vers ce frère qui menait, en pays étranger, une vie si mouvementée, presque misérable ; il alla l’y chercher, le ramena au foyer de famille, et lui confia, par surcroît, le drapeau du parti tombé de la main du mort. Bartoli fut élu député de Sartène, et ce souvenir restera comme un grand honneur pour cet arrondissement, car l’intérêt person nel y entrait pour bien peu de chose ; on n’avait rien, ou presque rien à atten dre, d’un homme de cet âge, si tard venu dans la politique , dont les intentions étaient assurément excellentes, mais que le mal tenaillait déjà, et à qui la répara tion venait trop tardivement pour effacer les tristesses du passé. Une fois élu, cependant, il se donna tout entier à son mandat. Je le voyais alors presque tous les jours à Paris. Etait-ce la différence d’àge, et le contrasté inévitable entre les deux natures? Ce qui est certain, c’est que je l’aimais beaucoup, et qu’il avait, visiblement, de l’affection pour moi. Certains côtés de son caractère me séduisaient particulièrement : jamais je n’ai entendu sortir de sa bouche un mot de haine, une parole malveillante à l’égard de personne. 11 aimait assez à parler par sentences, dans le plus pur langage italien, avec une voix grave et bien timbrée qui donnait à sa parole beaucoup de charme et de douceur. Un jour, on lui reprochait d’avoir obligé quelqu’un qui n’était pas « des siens » comme nous disons en Corse : — Mais vous ne savez donc pas, lui disait-on, que cet homme a toujours été l’ennemi de votre famille ? — Eh bien, répondit-il doucement, si ce n’est pas un ingrat, il en deviendra l’ami... Cent fois, je l’ai entendu prononcer de ces paroles de paix et de conciliation. Il savait bien que la rancune est mauvaise conseillère, et que, dans la vie, il faut savoir oublier. Sa philosophie indulgente s’étendait à tous et à tout, et il avait gardé, de sa rude existence, un mépris du bien-être, une ignorance absolue des petites ambitions, des vaincs formules de convention, et cette même conscience bien trempée qui le faisait marcher aussi droit sur les roses que sur les épines. Quand il fallut sortir de la vie publi que, il le fit aussi modestement qu’il y était entré. Cette âme simple et forte savait pratiquer le désintéressement. Lors du voyage en Corse de M. le pré sident de la République, il y avait une croix à donner dans l’arrondissement de Sartène. Il ne manquait pas de candidats très méritants, qui pouvaient légitime ment se mettre sur les rangs. Je pensai au vieux Bartoli, comme on pense au drapeau quand il faut décorer le régi ment. Je le fis pressentir, cependant, connaissant sa modestie, son indifférence pour ces sortes d’honneurs; je chargeai un ami commun de le voir, de me taire part de son sentiment....
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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