Extrait du journal
C’est que, en vérité ils sont*fiers de leur ouvrage 1 La Bible nous apprend que Jéhovah, après avoir consacré six grandes journées à créer le monde, trouva son œuvre bonne et se félicita. On n’est jamais mieux félicité que par soimême. Nos dieux d’aujourd’hui suivent ce noble exemple, et font leur éloge avec d’autant plus d’empressement que, s’ils l'attendaient des autres, ils pourraient l’attendre longtemps. Cest la parade en vue des élections générales, la pièce qui doit se jouer l’an prochain dans la baraque politique. Jo crisse est déjà sur les tréteaux. On ne saurait s’y prendre trop tôt pour attirer le monde qui ne semble pas se hâter. Et le boniment va son train. « Messieurs, mesdames, vous allez voir ce que vous allez voir. C’est, d’ail leurs, ce que vous avez déjà vu. EtaiLce assez joli, ce spectacle ! La preuve que vous avez été contents, c’est que vous n’avez pas réclamé votre argent. Nous sommes des comédiens hors ligne. Nous avons réjoui la cour de Trébizonde et aussi celle du roi Pétaud, qui, à plu sieurs reprises, nous a envoyé tous ses compliments. Notre répertoire est riche et varié. Nous tenons tout ce qui con cerne notre état ; nous pouvons avaler des sabres pour le plus grand agrément de l’honorable société. Mais notre triom phe est surtout dans la fameuse pièce : Im Pondre aux Yettx, qui a eu un tel suc cès, que vous n’avez cessé de la rede mander. On vous la donnera et on vous la redonnera. C’est une comédie dont on ne se lasse jamais, tant elle est joyeuse ment interprétée. Le style en est char mant ; l’ingénue y est incomparable et le sacripant s’y fait applaudir dans toutes ses tirades. Entrez, messieurs, mesda mes, vous n’auriez par le cœur de nous abandonner pour le théâtre à côté. Cela ne coûte que quatre milliards et demi, une misère. Nous avons essayé de dimi nuer le prix des places ; mais il n’y a pas eu moyen ; le droit des pauvres nous tue, et comme nous sommes très pauvres, nous sommes bien forcés de nous en ad juger la majeure partie. Vous êtes, d’ail leurs, au-dessus de cela. Par exemple,! nous devons vous avertir qu’on ne rend P»b Vargent. Si la pièce voua ©lait, vous applaudirez, et si elle ne vous plaît pas, la recette n’en sera pas moins acquise. En avant la musique ! » Ce pauvre Jocrisse se donne un mal inimaginable. C’est qu’il s’agit de son existence et de celle de sa troupe. Que voulez-vous que deviennent ces pauvres gens, si le public ne donne pas ? Ils ne savent pas de métiers honnêtes. Hors la comédie, ils ignorent tout ce qu’on peut ignorer. S’ils ne sont plus saltimban ques, que seront-ils ? Qui voudrait leur donner asile dans un atelier convenable ? Emettre des lazzis, qu’ils appellent des lois, et prêter le bas de leurs dos aux coups de pied de leurs camarades, voilà tout ce qu’ils savent faire. Faute d’être ému par leur talent, le public, ils l’espè rent, se laissera prendre par la pitié, et il leur donnera son approbation avec ses écus, afin qu’ils puissent continuer long temps encore les exercices qui les font vivre. Moi-même, qui les apprécie comme vous savez, je ne laisse pas que d’être touché par leurs appels désespérés. Par instants, on croirait entendre des cris de personnes qui se noient et qurse sentent enfoncer. Ils ont des accents de gens qui crieraient à l’aide . — Mais, disais-je à l’un d’eux qui était vert de peur, pourquoi vous agitez-vous avec une pareille fièvre ? Est-ce que les électeurs ne connaissent pas vos tra vaux ? — Hélas ! non, répondit-il ; c’est bien là ce qui m’inquiète. Plût à Dieu qu’ils ne les connussent point I — Alors vous êtes bien insensé de les...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
En savoir plus Données de classification - blériot
- peary
- lerroux
- kosloff
- lieb
- leydet
- henry maret
- un témoin
- bordeaux
- cook
- marseille
- france
- londres
- espagne
- paris
- alsace-lorraine
- rosario
- java
- daily mail
- chambre française
- agence havas