Extrait du journal

Le Lion de Roubaix Ce lion n’a pas précisément une bonne presse. On sait qu’il a eu, à Roubaix, à lutter pendant plu sieurs mincies contre un taureau et qu’il s’est comporté dans cette affaire comme un animal fort ennuyé. Il ne s’est presque pas défendu,se deman dant sans doute pourquoi il était attaqué par un taureau qu’il ne connaissait pas et à qui il n’avait jamais rien fait. Quoi qu'il en soit, il a reçu plusieurs coups de corne et il s’en est fallu de peu qu’il ne passât de vie à trépas. Ce qu’il y a de plus fâcheux, c’est que sa réputation et son préstige s’en sont trouvés aussitôt amoindris. Et la preuve en est qu’un spectateur a essayé, à travers les barreaux de sa cage, de lui donner un coup de canne à épée et qu'un bon bourgeois s’est amusé à le taquiner avec son parapluie, ce qui est évidemment une profonde marque de mépris. Mais le toréador Mazzantini lui a porté moralement le coup de grâce, en prétendant que le lion était toujours lâche devant le taureau. Aussi le dompteur Bidet s’est-il empressé de riposter en défiant deux taureaux d’avoir raison d’un seul de ses lions. En attendant, la Société protectrice des animaux est en proie à une légitime émotion. Mais il parait qu’elle est réduite à l’impuissance, n’ayant placé sous sa protection que les animaux domestiques. Le lion n’est pas encore sur ses catalogues. D’autre part, il faut bien que le lion, sous peine d’être déshonoré à jamais, puisse prendre sa revanche. Après ça, les végétariens — et quel dommage que l’oncle Sarcey ne soit plus là — expliquent fort bien la défaite du «roi des animaux». A les enten dre, si celui-ci a eu le dessous, c’est qu’il mange de la viande, tandis que le taureau est au régime de l’herbe. On avouera que l’explication n’est pas sans valeur et qu'il y a là effectivement une large cirponstance atténuante pour le lion. ARIEL....