Extrait du journal
Les défenseurs du scrutin d’arrondis sement font marque d’une candeur qui rappelle celle de ce personnage de comé die que l’on félicite pour avoir rendu l’honneur à une jeune fille ayant fauté, qui accepte les félicitations, mais qui ajoute : « Il y avait aussi les trois mille francs. » faisant allusion à la dot laissée par le séducteur. Pour nos arrondissementiers, il y a surtout les trois mille francs, ou, pour mieux dire, les quinze mille. Ils ne s’amusent pas a discuter les avantages bu les inconvénients du mode de scrutin cpVils préfèrent. La seule raison de leur préférence, ils ne la cachent pas : c’est que ce scrutin leur est avantageux. Ils ont même tracé un tableau, d’où il résulte que, dans le cas ou le scrutin de liste remplacerait le scrutin d’arrondis sement, leur parti perdrait des sièges ; et. avec une naïveté qui désarme, ils vous disent : «■ Pourquoi voulez-vous que nous changions le certain pour l'incer tain ? Avons-nous la ma jorité aujour d’hui ? Oui. Pourquoi ne pas nous y tenir ? Le mieux est l’ennemi du bien. On sait bien ce que l'on a ; on ne sait pas ce que l’on aura. » Et ils vous accablent de proverbes analogues, destinés a vous démontrer que le meilleur des scrutins est celui qui fonctionne conformement A vos intérêts. Ils seraient les plus étonnés du monde si on leur disait que le meilleur des scru tins est celui qui est le plus conforme à la vérité et à la justice ; que, lorsqu’on consulte le pays, c'est pour savoir ce qu’il pense, non pour en extraire la pen sée qui vous convient ; que, plus ils prouveront, qu'avec une consultation sincère ils perdraient, la majorité, plus Ils démontreront que celle majorité est extorquée, volée, et qu’ils ne sont pas, par conséquent, les véritables représen tants du pays. Ce serait leur parler un langage qu’ils ne comprennent pas et à tout cela ils répliqueraient sans bron cher : « Ce ne sont point nos affaires. Nous avons le bon bout ; nous le gardons. » Ce qui les décidé, c’est ce qui décidait Brasseur dans le vaudeville, c est la bonne réalité.des trois mille francs ou. pour mieux dire, des quinze mille. Cela Jjeur lient lieu de raisonnement, d'argu ment, d'équité, du vérité : c'est le « sans dot » d’Harpagon, a quoi il n’v a rien à répliquer. « D'autres vous diraient, monsieur, que ce scrutin n’est- pas un scrutin poli tique, qu'il est le scrutin de la corrup tion et du mensonge, qu'on y achète les voix comme carottes au marché. — Oui, monsieur, mais je suis élu. — Il n’y a rien à dire à cela. Peut-être certains esprits mal faits pourraient-ils ajouter que, avec ce mode de scrutin, on ne choisit que des incapables, en qui l'on ne prise que la faculté qu'ils ont de vous rendre des services personnels ; que ces incapables sont tout juste au courant des affaires de leurs communes, mais igno rent totalement celles du grand peuple qu’ils sont chargés de représenter. — Sans doute, monsieur, mais je suis élu. — Il est vrai : cela est péremptoire, j’en connais qui prétendraient qu'il n'y a plus de suffrage universel ; qu’un las de petits comités locaux improvisés, composés la plupart du temps de brail lards de cabaret, recevant le mot d’ordre d’un comité central, sans autre mandat que son audace, imposent aux électeurs dociles les choix les plus ridicules et les plus dangereux. — J’en conviens ; mais je suis élu. — Voilà qui est parfait. Et quj,diable irait là contre ? Il se pourrait, mais il n’y faut point faire attention, que de mauvais prophètes se missent en tête de nous annoncer que, si nous continuons...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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