Extrait du journal
Il y a quelques années, à l’époque où l’on rêvait pour les torpilleurs des destinées que, par leur nature même, il était impossible à ces petits bateaux de remplir, on pensa que, pour pouvoir les faire arriver plus sûrement sur le lieu du combat, le plus simple était de les embarquer sur un navire de fort tonnatre pouvant, lui, affronter tous les temps, et fran chir les plus grandes distances. Puisque les torpilleurs ne pouvaient, dans certaines cir constances, naviguer de conserve avec les gros cuirassés, puisqu’ils ne pouvaient sans danger, et faute aussi d’un approvisionnement de com bustible suffisant, s’éloigner de leur base d'opé ration, il n’y avait qu’à créer un nouveau type de batiment, spécialement chargé de transpor ter dans ses flancs toute une flottille de petits bateaux qu’il mettraitàla mer au moment pro pice et qu’il rembarquerait une fois leurs opérations terminées. Ce devait être comme une sorte de cheval de Troie destiné à jouer à l’ennemi les plus mau vais tours, en faisant assaillir ce dernier, à un moment donné, par un essaim de minuscules adversaires contre lesquels il serait sans défiance,n’ayant pu soupçonner leur présence. L’idée était peut être séduisante en principe, mais elle a paru tout do suite comme peu pratique aux marins ayant plus d’expérience des choses de la mer que des choses de la guerre. Malheureusement dans notre marine on sépare trop souvent les premières des deuxièmes quoiqu’elles soient étroitement liées,du moment qu’il s’agit de guerre navale. Aussi, malgré quelques critiques, le plan d’un bâtiment porte-torpilleurs fut mis à l’étude et sa construction commença peu après : c'était la Foudre. Nous avons ici même exposé alors tous les mécomptes auxquels donnerait lieu cette con ception bizarre des hommes qui disposent de l’argent des contribuables pour développer la puissance navale de la France et non pour tenter des expériences aussi onéreuses et aussi incertaines que celle-là. Nous n’avions naturellement pas la prétention d’être entendu ÊerM’$6 j’Wfet que tôt ou tard la marine constaterait qu’elle avait jeté à l’eau quelques millions en pure perte. Hélas ! l’événement vient de nous don ner raison plus tôt que nous l’espérions, mais malheureusement trop tard pour économiser ces millions; bien plus, non contente d’avoir dépensé inutilement 10 à 11 millions pour cons truire un bâtiment qui ne peut servir à rien, elle va en dépenser trois ou quatre autres pour le transformer en un bâtiment qui ne servira pas à davantage. Nous apprenons, en effet, que M. le ministre de la marine vient de donner l’ordre de trans former en croiseur le porte-torpilleurs la Foudre, qui est aujourd’hui complètement achevé. Le plus curieux est que l’on se décide à cette transformation sans même avoir expé rimenté, dans des conditions normales, les propriétés particulières de ce type de navire. On se base, en apparence, sur les résultats médiocres obtenus à bord du Japon pour la mise à l’eau et rembarquement de petits tor pilleurs d’un poids et d’une capacité analo gues à ceux que devait embarquer la Foudre. Mais, franchement, si les expériences faites à bord du bâtiment-école le Japon, mouillé en rade d’Hyères, sont si concluantes que ça. il n’y avait qu’à les faire quelques années plus tôt, le jour même où l’on a mis à l’étude le plan de la Foudre. 11 semble même que c’est par des essais de ce genre, faits non pas sur une rade, mais en pleine mer, avec un navire provisoirement disposé à cet effet, que l’on aurait dû commencer. D’un autre côté, le Japon ne disposant pas d’un outillage spécial aussi perfectionné que celui que l’on a dû placer sur la Foudre, il était plus logique de se servir de celle-ci main tenant qu’elle est achevée, pour se livrer à des expériences absolument décisives. Le département de la marine aurait au moins eu l'excuse de la sincérité de ses convictions en créant un nouveau type et il aurait pu dire qu’il n'avait été vaincu que par l'évidence. Mais, pas du tout, il se déclare battu après avoir dépensé déjà plus de 10 millions et sans vouloir faire un essai qui l’effraie peut-être moins par les mécomptes probables que par...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
En savoir plus Données de classification - blavier
- turrel
- maillard
- rouvier
- jaurès
- ryan
- lhopiteau
- léon say
- michu
- perrin
- alfred
- japon
- france
- antilles
- brest
- italie
- marne
- angleterre
- var
- algérie
- sénat
- la république
- faits divers
- agence havas
- henriot
- j m.
- parti libéral
- assemblée nationale
- cologne