Extrait du journal

Un médecin, inventeur d’une de ces applications électriques qui sont à la mode aujourd’hui, se laissait demander par un curieux si, grâce à son système, il obtenait de bons résultats. — Cela ne guérit peut-être pas, dit-il ; mais cela fait toujours sauter le ma lade. ». Les ligues, les conférences, les congrès, qui se multiplient avec tant de Mascurauds à la clef, qu’on ne sait plus les reconnaître les uns des autres, me pa raissent avoir un effet analogue. Ils ne rendent jjas la société beaucoup plus heureuse ; mais, enfin, ils la font sauter d'un pied sur l’autre, et cela la distrait un peu. D’ailleurs, les congressistes festinent. Ils ne sont point gens à s’oublier. Par tout où on les rencontre, on est sûr de trouver quelque pâté froid et quelque vieille bouteille. Il est bon d’entretenir ses forces quand on lutte pour le bien de l’humanité. Les discours altèrent ; et dans ces sor tes de réunions on discourt quelque peu. Tout, même, se borne là. Les hé ros d’Homère se lançaient à la tête toutes sortes de paroles désagréables avant d’en venir aux coups.. Nos congressistes adressent des compliments à tout le monde ; mais cela ne va pas plus loin. C’est à peu près ce que tout le monde en a. Dans la conférence internationale du chômage, qui, chose curieuse, a été pré sidée par le minislce des finances, à qui personne n’a osé dire : « Si vous nous demandiez moins d argent, nous serions peut-être plus à notre aise », il a été procédé à une réforme qui mérite une mention honorable. Comme dans le congrès précédent (car il y a toujours des congrès qui précèdent les congrès, ainsi qu’il y a toujours des congrès qui les suivent), les mêmes gens avaient pé roré trois jours durant sans résultat ap préciable (il n’y en aurait, d’ailleurs, pas eu davantage s’ils n’avaient rien dit),l’as semblée a cru bon de décider qu’aucun orateur‘-«e serait autorisé à parler plus de di£ Minutes. On ne dit pas comment ce projet s’exécutera, ni si l'on mettra derrière chaque orateur un monsieur avec une montre, chargé, à la onzième minute, de lui couper subito son argument, en lui administrant un renfoncement signifi catif. Des voies et des moyens, il n’a pas été question, ce qui est fort regrettable ; car, si l’on avait pu appliquer ce sys tème aux débats parlementaires, on ne S’en serait peut-être pas si mal trouvé. Du reste, comme à la loi sur le repos hebdomadaire, il y a des dérogations. C'est ainsi que, si l’orateur est bien sage, on lui donnera cinq minutes de plus ; cependant, ces minutes ne lui seront ac cordées qu’après un laps de temps écoulé ; on pense, sans doute un peu témérairement, que cette interruption, consacrée à tourner sa langue dans sa bouche, l’empêchera de dire de nouvel les bêtises. ~ J’aime ce congrès. On voit qu’il fait des réformes. Elles n'ont pas tout le rap port désirable avec les sujets qu’il se proposait de traiter ; mais il était bien inutile de se préoccuper outre mesure de ces sujets, puisque, avant toute dis cussion, il avait été résolu qu’il ne serait pris aucune résolution. La seule résolu tion inébranlable était de n’en prendre aucune. C’est comme si un représentant, proposant une loi au Parlement, la lui soumettait en ces termes : — Parlez dessus tant qu’il vous plaira ; seulement je vous préviens qu’il n’en sera ni plus ni moins... » On comprend que, dans ces condi tions, il ait été trouvé sage de mesurer le zèle des orateurs, qui ne devaient pas...