Extrait du journal

Il s’est passé, ces jours derniers, à Caen, une aventure qui a défrayé pendant quelque temps, non seulement les conversations de toute la ville mais qui a fait encore son petit tour de presse. Le fait, au reste, porte avec lui son enseigne ment et nos lecteurs nous saurons gré de leur offrir de quoi glaner un petit brin de morale. Un jeune sous-lieutenant de notre armée, beau garçon de 29 ans, M. Pierre des Charrières, qui avait essayé ses premiers pas dans la carrière militaire en qualité d’enfant de troupe, et que l’on considérait comme un bon officier, devient un beau jour, pendant qu’il était sous-officier d’artillerie au Mans, amoureux d’une chanteuse d’opérettes, MUe Gelly. Il est probable que, dans les premiers temps, l’artiste répondit aux sentiments qu’elle avait inspirés, car on vit le jeune couple étaler, un peu partout, son intimité, et boire, tous deux ensem bles, à la coupe des distractions. Les hasards de la vie séparèrent les deux jeu nes gens. M. des Charrières fut nommé sous-lieu tenant au 1er escadron du train d’artillerie à Lille pendant que MUe Gelly était engagée comme lre chanteuse d’opérettes à Caen. Cette séparation effaça-t-elle, dans le cœur de la belle enfant, le souvenir de l’absent? On se rait autorisé à le croire, mais le jeune officier ne put se résoudre à oublier. Tous les quinze jours il venait à Caen passer une partie des nuits à guet ter les fenêtres de la chanteuse, et, pendant les représentations au théâtre il se tenait dans une loge d’avant-scône d’oû, parait-il, son aspect exalté ne laissait pas que de causer une certaine frayeur à l’artiste....