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Le Petit Marseillais, 27 septembre 1911

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Le Petit Marseillais
27 septembre 1911


Extrait du journal

Où sont les Responsabilités ? Il y a quelques jours à peine la presse [française, se faisant l’interprète du pays tout entier, célébrait à l’envi la renais sance de notre marine, à la suite de la grande manifestation navale dont la rade de Toulon venait d’être le théâtre. Ç’était à qui insisterait avec le plus d'autorité sur les résultats obtenus en quelques années, et à qui en tirerait les plus favorables augures pour l’avenir. Nous venions enfin de retrouver une marine nationale capable de reprendre de glorieuses traditions momentanément interrompues... Cependant, un de nos confrères, le Journal des Débats, tout en rendant hom mage aux hommes d’énergie et de patrio tisme qui ont si puissamment travaillé à la reconstitution de notre marine, laissait entendre que si, au point de vue maté riel, on avait beaucoup fait, il y avait encore certainement quelque chose à faire au point de vue moral, et il recon naissait qu’on était en voie de le faire. « Il est plus difficile de restaurer que de détruire, disait-il, et il ne s’agissait pas seulement de reconstituer un matériel, il fallait aussi relever un état moral. Il se rait excessif de dire que tout le nécessaire est fait, mais nous sommes visiblement en voie de le faire. » Hélas ! la foudroyante catastrophe de la Liberté nous confirme que tout le né cessaire n’a pas encore été lait et qu’il y a la plus extrême urgence à mettre l’état moral de notre marine en harmo nie avec son état matériel. Pourquoi construire de si puissants cuirassés, pourquoi instruire et exercer tant de milliers de jeunes marins, si nous ne savons pendant la paix ni conserver tant d’existences précieuses ni préserver un matériel si coûteux, afin de leur de mander, au moment du combat, tout ce qu’ils peuvent donner ? Et il faut bien que quelque chose ait été négligé dans le service, à bord de ce cuirassé qui vient d’inscrire son nom au premier rang dans la liste des grands sinistres maritimes, pour qu’en plein jour, au milieu de la rade de Toulon, avec tout son équipage et tout son arme ment, il ait pu être détruit par un incen die qui, en quelques minutes, a fait plus de victimes que n’en eût fait un combat naval. Le feu à bord ! Certes, voilà un événement grave, quelles que soient la capacité du navire, la nature de son chargement, l’impor tance de son personnel, etc... ; mais com bien le danger doit être rapidement con juré à bord d’un bâtiment de guerre, dont toutes les parties sont occupées nuit et jour par un personnel nombreux, ayant reçu des instructions minutieuses en vue de toutes les éventualités que peut présenter le service en rade ou à la mer, dont tous les postes, exigeant une sur veillance spéciale, sont gardés par des factionnaires ayant reçu des consignes rigoureuses ; dont le commandement est confié à des officiers expérimentés, ayant des responsabilités bien définies et des compétences qui ne leur permettent pas de se dérober devant ces responsabilités. Il faut donc que quand le feu a éclaté ù bord de la Liberté, hommes et choses ne fussent pas rigoureusement à leur place, ou n’aient pas immédiatement fonctionné en vue d’empêcher la propa gation de l’incendie. Il est inadmissible que tout se soit passé normalement,comme cela se passe, sans aucun doute, lorsque, au cours d’un branle-bas, l’équipage est appelé aux pos tes d’incendie, sans quoi, en moins d’une heure, le péril eût été conjuré et l’explo sion des soutes ne se fût pas produite. Car il est parfaitement avéré que cette explosion s’est produite plus d’une heure après que l’ori eut constaté la présence du feu à bord. D’autre part, à bord des navires mo dernes, tout n’a-t-il pas été prévu préci sément pour diminuer les chances d in cendie, qui constitueront le plus redou table péril dans les batailles de l avenir. Chaque obus pénétrant dans les flancs du navire ne fera pas toujours une bles sure mortelle, mais chaque obus tombera comme un véritable tison devant allumer l incendie et pouvant* en quelques mi nutes produire une catastrophe analogue à celle de la Liberté. Il est donc rationnel que l’on ait tout prévu, tout combiné, tout machiné pour que le feu ne puisse se propager. Et si les choses doivent se passer ainsi en temps de guerre, combien, à plus forte raison, en temps de paix, éteindre un commencement d’incendie devrait être, pour un équipage bien entraîné et bien commandé, un simple exercice aussi rapidement que sûrement conduit. Il faut que la lumière soit faite aussi complète que possible sur le drame dont la rade de Toulon vient d’être le théâtre,...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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