Extrait du journal

dins du 3e de ligne, où tout vous sera éclairci. — Aux jardins du 3« de ligne ? Ah! par exemple, vous piquez trop ma curiosité pour que je refuse. Topez-là, et à demain matin 9 heures. Je fus exact au rendez-vous, et Dieu sait Eourlant si jeudi matin je manquais de onnes raisons pour ne pas l’être. Le froid était encore plus piquant que la veille et une bise glaciale nous coupait, comme on le dit vulgairement, la figure en deux.» M. de Lapeyrouse et moi nous nous trou vions cependant, vers 9 heures et demie, à la caserne Saint-Victor, que nous contour nâmes par le sentier qui prend naissance au boulevard de la Gorderie. Nous grim pâmes le talus qui conduit aux glacis du grand fort Saint-Nicolas, et si pendant cette ascension mes fréquentes glissades n’entraînèrent pas ma rotondité au bas de la pente que nous escaladions, c’est que la Providence, ce jour-ià, avait bien voulu se coi fier d’un képi de sous-lieutenant. Enfin, nous voici arrivés au pied des murs du fort. Un poteau indicateur portant cette inscription : JARDINS DU 3e DE LIGNE DÉFENSE DE PASSES. marque les limites de la propriété du ré giment. Devant nous, tout le glacis qui re garde le boulevard appelé : Avenue de la Réserve, s’étage en planches potagères. Carottes, oignons, poireaux, navets, poti rons, salades, émergent du sol. Dans les fossés du fort nous trouvons des choux magnifiques. L’an passé le régiment a eu la plus belle courge du département ; elle pesait plus de 40 kilos. Le sous-lieutenant de Lapeyrouse s’amu sait de mon ébahissement. — Vous allez comprendre aujourd’hui, me dit-il en souriant, ce qui vous parais sait indéchiffrable hier. Ces terrains cul tivés nous donnent actuellement une ré colte de 20,000 kilogrammes, ce qui met le prix du kilogramme à un centime. Il y a donc une économie considérable réalisée sur les dépenses que nous faisions avant la création de ces jardins, et c’est avec cette économie qu’il nous a été possible de bonifier l’ordinaire du soldat. — A qui revient 1 initiative de cette création t — A notre excellent colonel, M. de Puymorin. C’est lui qui a eu l’idée première d’une fondation à laquelle le régiment doit une grande partie de son bien-être maté riel. L’alimentation des hommes est d ail leurs la grande préoccupation du colonel, Je lui ai souvent entendu répéter que le secret de la guerre est dans ie ventre du soldat, qu’il faut assurer la discipline par l’administration, et que l’homme physique a tellement d'intluence sur l'homme moral que, chez le troupier, on doit commencer par régler et assurer ses besoins. C’est là, du reste, l’opinion bien connue des géné raux Logerot, Japy et Vincendon. — Je partage entièrement cet avis: mais dites-moi, lieutenant, la transformation de ces terrains a dû être bien pénible au début ? — Très pénible, en effet, et très modeste aussi le début. On avait devant soi, en commençant, un terrain pierreux qu’il fallait défoncer, une terre qu’il s’agissait de rendre meuble, de fumer, d’arroser, et nous avions 20 francs pour faire face à toutes ces dépenses 1 Aussi fumait-on la terre avec les balayures de la caserne, l’arrosait-on à l’aide des bidons, mais tout cela prenait du temps et surtout des hom mes, et le colonel n’a jamais voulu que l’instruction militaire souffrît le moins du monde de ces travaux. Plus tard, il est vrai, grâce à la bienveillance successive de MM. Allard, Baret, Dubiau.nous avons eu la permission de prendre de l’eau à la...