Extrait du journal
LE BUDGET DE 1901 Bien que le budget de 1901, déposé à l'une des dernières séances de la Chambre, n’ait pas encore été distribué aux membres du Parle ment et que les détails en soient imparfaite ment connus, les lignes générales en apparais sent assez pour qu’une appréciation raisonnée soit possible. Il y aura évidemment, à la com- ] pléter ; une analyse proprement dite du projet de budget restéra à faire ; mais, d’ores et déjà, j l’œuvre de M. Caillaux est suffisamment connue pour prêter à un jugement d'ensemble* et il peut' y avoir avantage à ne pas l’ajourner, ne fut-ce que pour couper court à des commentaires et à des erreurs regrettables. L’une des caractéristiques du projet de M. Caillaux, c’est le maintien de la notion exacte du budget. Toute une école existe, on le sait, qui voudrait transformer la loi de finances en un instrument de réformes. Comme le budget touche à tout, rien ne serait à l’abri d’un changement légal opéré en dehors de la pro cédure réglementaire habituelle. Les lois or ganiques elles-mêmes pourraient être ainsi mo difiées. On aperçoit sans peine où peut condiiire cette méthode, ou plutôt cette absence de mé thode : surchargée, écrasée, par des propositions qui ne sont pas exclusivement budgétaires, la loi de finances ne peut aboutir dans les délais voulus. Aux causes si fâcheuses de retard, dont souffre en tout temps le budget, une cause spé ciale s’ajoute. Finalement, le pays n’a en temps utile, ni les réformes qu’on avait fait miroiter à ses yeux, ni le budget qu’il eût eu au moins le droit d’obtenir. Ce n’est pas dire, cependant, que toute « ré forme » soit omise dans ce projet, et Ton pour rait se demander si, sur ce point, M. Caillaux n’a pas fait quelque peu fléchir la règle qu’il semble s’être imposée. D’une part, la réforme des droits' de succession voit ses résultats es comptés ; d’autre part, le projet tient également pour acquis le vote d’un budget spécial pour l’Algérie. En ce qui concerne la loi sur les successions, elle a bien été admise par la Chambre ; elle a bien été votée, en première lecture, par le Sé nat; mais, si la haute assemblée venait à per siste!* dans les défiances que lui inspire le prin cipe de l’impôt progressif, rien ne prouve que la nouvelle législation pût entrer en vigueur pour le 1er janvier 1901. Cependant, le budget fait état d’une augmentation de recettes à pro venir de cette réforme. Le ministre des finan ces est allé plus loin. Il a fait prononcer le re trait du projet qui était pendant devant le Sé nat, et, après avoir élaboré un nouveau texte, il l’a incorporé dans la loi de finances. La Cham bre, vraisemblable .Tient, ne fera aucune objec tion à cette procédure; mais en sera-t-il de même au Sénat? En tout cas, voilà un débat qui, lié désormais au budget, alors qu’il en avait été si heureusement séparé, va alourdir^ retar der, compromettre peut-être le vote de la loi de finances. Le Sénat, au lieu de pouvoir aborder promptement une seconde délibération qu’il eût pu poursuivre tout à loisir, devra attendre que le budget ait été voté par la Chambre. Or, à ce moment, estimera-t-il que le temps ne lui fait pas défaut pour examiner, d’une manière suffi samment approfondie, la réforme de la loi des successions ? Ne pensera-t-il pas que le gouver nement a voulu lui forcer un peu la main? Que, pour un motif ou pour un autre, le Sénat vienne a disjoindre de la loi de finances les articles re latifs aux successions, quelle cause regrettable de conflit entre les deux Chambres! D’autre part,. VêqmWbTe àu budget de VèOl -se trouve dépendre de cet aléa. Que la réforme des successions soit de nouveau ajournée, le budget se trouve immé diatement en déficit d’une dizaine de millions. En d’autres termes, il ne se suffit pas, quant à pré sent, à lui-même. Quant à l’institution d’un budget spécial pour l’Algérie, elle est subordonnée également à des débats et à des votes dont l’issue est loin d’être certaine. Le projet les tient pour terminés ; il réduit en conséquence d’une cinquantaine de millions le budget de la métropole. Mais, ici, on se trouve en face d’une simple écriture d’ordre. Certes, la réforme projetée a une importance réelle. L’autonomie financière de l’Algérie, c’est peut-être le point de départ d’une colonisation et d’une mise en valeur définitives. Chaque civilisation coloniale a sa physionomie propre. Elle veut être respectée. Quelque pru dente que soit une politique d’assimilation, elle risque d’aller à l’encontre de mœurs, d’habi tudes, de lois naturelles de. développement. Même chez les nations à l’impérialisme le plus altier, on s’en est rendu compte, quand le génie national s’allie au génie colonisateur. La France n’a rien à perdre, l’Algérie a beaucoup à gagner à la réalisation du budget autonome algérien ; et si l’Algérie croît en richesse, en initiative, en puissance, comment la mère-patrie n’en seraitelle point fortifiée ? Votée ou non,, d’ailleurs, la réforme laisserait au fond indifférent le budget de 1901. Les réductions qu’il subit auraient, il est vrai, à être effacées; mais comme elles se balancent, en recettes et en dépenses, l’équilibre général ne serait pas, cette fois, mis en péril. Un deuxième trait distinctif du projet de 1901, c’est l’effort nouveau qu’il accuse pour conti nuer, en l’accentuant, la politique des incorpo rations budgétaires. Tout un programme de travaux extraordinaires a été élaboré, on se le rappelle, en vue de mettre en meilleur état de défense nos ports maritimes, nos arsenaux, nos...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
En savoir plus Données de classification - caillaux
- lord roberts
- chamberlain
- caton l'ancien
- lord ro
- boers
- lagrange
- a. pretoria
- fischer
- mason
- pretoria
- paris
- angleterre
- algérie
- france
- cham
- transvaal
- europe
- washington
- johannesburg
- parlement
- sénat
- bt
- jardin des plantes
- orange
- la république
- journal officiel
- salisbury
- parle
- parti libéral