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Le Temps, 7 janvier 1911

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Le Temps
7 janvier 1911


Extrait du journal

table, soit sur la formation de l’esprit et du carac tère à laquelle la culture classique est si néces saire, soit sur la maîtrise, du français, que seule peut donner complète la pratique du latin, soit sur certaines connaissances, comme celle de l’histoire, qui ne pénètrent que par un travail lent et régu lier. Ils n’ont pourtant pas tué notre enseignement secondaire. Avec de bons maîtres, et nous en avons d’excellents, on peut à la rigueur s’arranger de mauvais programmes; c’est affaire d’application. Mais il y a pis malheureusement. En allongeant démesurément la liste des matières à enseigner, la réforme a provoqué la multiplication indéfinie des heures de classe. Cela, c’est le mal irrémédiable, le fléau qui atrophie les intelligences, paralyse les initiatives, supprime l’effort personnel. Nous avons, en France, la superstition du nom bre des heures de classe, et les familles sont sur ce point aussi déraisonnables, si ce n’est plus, que les administrateurs. Certains parents qui ne sui vent guère le détail dés études, ne jugent leurs fils bien menés que s’ils sont tenus et poussés sans relâche; c’est sur leurs réclamations que pro viseurs et professeurs ajoutent sans cesse au ta bleau de la semaine. Tantôt on rend obligatoires certaines heures facultatives, tantôt on en invente de nouvelles, tantôt même ce sont des demi-heures ou heures supplémentaires que tel ou tel maître, aussi mal inspiré que dévoué, établit de son chef, gracieusement, en dehors de l’horaire déjà si chargé ! Le moyen de se défendre contre ces bonnes volontés qui se concertent avec un élan touchant pour donner à vos enfants une sorte de gavage ar tificiel 1 Et pourtant comme ils gagneraient à avoir le temps do digérer ce qu’on leur enseigne, de ré fléchir par eux-mêmes, de ne pas rester unique ment des perroquets bien stylés, de devenir des hommes, et qui pensent 1 Sans parler des devoirs familiaux et sociaux qu'il serait bon de ne pas négliger tout & fait. Sans parler du corps, qui a pourtant besoin qu’on s’occupe de lui, et qu’on lui assure le repos, la détente, l’exercice et l’air in dispensable. Ne faut-il pas, selon l’antique adage, vivre avant de spéouler? Sans doute le système de la classe d'une heure doit disparaître le plus tôt possible; mais il im porte encore davantage de limiter le nombre des heures de classe. Comment procéder pour aboutir? Les médecins se flattent de réussir en suivant des chemins détournés, en réclamant par exemple la détermination d'un nombre minimum d’heures de sommeil et d’exercice. La méthode me paraît médioore. Tout se bornerait, j'en ai peur, à une de ces déclarations retentissantes, à un de oe3 énon cés de principe qu’on acclame et qu’on laisse dor mir ensuite. Pour arriver vraiment à un résultat, on doit avant tout fixer un maximum infranchis sable d’heures de olasse, quatre heures par jour, cinq heures au plus; il faudrait d’ailleurs aller à rebours do ce qui se pratique actuellement, réduire plutôt les heures de classe, au lieu de les multi plier, à mesure que l’enfant grandit et que le tra vail personnel devient la première des choses. Combinée avec la suppression de la olasse d’üno heure, la réforme diminuerait automatiquement le nombre des leçons et des devoirs, permettant un travail quotidien plus spécial sur certaines ma tières, travail par conséquent plus intensif et plus fructueux; elle déchargerait maîtres et élèves, pour le plus grand bien. des uns et dos autres. Ainsi pourrait se réaliser pour nos lycéens la journée de huit heures, tant réclamée par les ou vriers et les travailleurs manuels, qui pourtant peuvent plus aisément supporter davantage, étant donné qu’ils sont hommes faits, et que leur tâche est souvent machinale, partant, moins fatigante. La lettre de M. le sénateur Couyba, récemment publiée par le Temps, prouve qu’on commence à se rendre compte du mal dans les Chambres; les chiffres qu’il cite (de 26 heures à 28 heures de olasse par semaine .en seconde et en première!) sont assez éloquents pour se passer de commen taire. Que dire de la préparation aux grandes éco les, véritable chauffage qui laisse à peine aux élèves le temps,de manger et de dormirI « Trop de classes, pas' assez études ! », s’écrie l’honorable sénateur. J’applaudis de tout cœur à la formule, et je supplie les pouvoirs publics de s’en inspirer. Albert Waddington, correspondant de l'Institut, professeur à l’université de Lyon, . 4 - • [AFFAIRES COLONIALES...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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