Extrait du journal

tentes qui s’étendent dans le sens de la profondeur; une rue de vingt pas est entre les deux. Une rue de deux pas est entre chaque compagnie. En arrière de chaque compagnie, dans la même tente, sont les trois officiers de cette compagnie. Plus loin, les officiers de l’état-major du régiment, et derrière leurs tentes, les che vaux, les mulets, ayant pour abri, le ciel Pendant le jour les bêtes sont souvent con duites de l’autre côté du ruisseau où elles broutent à l’aise. Les tentes qui nous ser vent sont les mêmes que vous avez pu voir à Paris sur les quais ou sur les places, aux jours de malheur. Tous les matins, à la diane, le camp s’a nime. La diane est un vacarme effroyable de tambours et de clairons, qui résonne chaque jour, avant le lever du soleil. Les oreilles les plus paresseuses l’entendent. Chacun à ce signal quitte son lit, c'est-àdire la terre où il a passé la nuit. Le plus diligent ouvre la tente, voit le temps qu’il fait et l’annonce. S’il fait beau, tout le monde est plus vite prêt; on sort, on va saluer l’aurore. Tous courent à leurs oc cupations. L’officier fait sa visite aux fais ceaux; le soldat essuie son arme humide de rosée ; le muletier va à ses bêtes ; le cuisinier, debout depuis deux heures, ac tive son feu, où bout le café. Le café est la boisson favorite en campagne : on en prend deux fois par jour, souvent trois fois. Quand on a pris ce stimulant, l’on va travailler à un ouvrage de fortification. Sept hommes remuent en cinq heures qua tre mètres cubes de terre. Je vous reparle rai de cet ouvrage important qui est déjà très avancé. Les hommes qui ne sont pas comman dés pour le travail se dispersent dans tous les sens. Les uns vont à l’eau, les autres au Lois, les autres à la recherche de quelque gibier, au profit de l’ordinaire. Le pays foisonne en tortues, en couleu vres, en escargots ; ce sont autant de mets excellents pour la cuisine de nos soldais. J’ai moi-même mangé de la tortue au ci vet que j’ai trouvée délicieuse. Malheusement le gibier diminue chaque jour; c’était une grande ressource pour nos cui sines. Les premiers arrivés dans ces parages en trouvaient à chaque pas; les habitants à ce qu’il parait n’estiment pas cette bonne chose. J’ai mangé aussi des escargots de terre et de mer; je ne m’en suis pas régalé; ce n’est pourtant pas mauvais. Quant à de la couleuvre, j’aurai bien faim quand.j’en mangerai. Ce n’est pas là tout ce que trou...