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Le Temps, 13 mai 1895

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Le Temps
13 mai 1895


Extrait du journal

ordinaires du théâtre : un des personnages se retournant vers les canailles de la pièce et leur crachant au visage ce que le public pense d’eux. Le lendemain, dans les journaux, point de ces débats passionnés qu’excitaient jadis les premières d’Antoine. On a paisiblement rendu compte de l’ouvrage. On a loué ou critiqué cette comédie, tout comme si elle n’était point rosse. Elle arrivait en retard ; l’évolution du genre est aujourd’hui terminée. L’auteur est pourtant un homme de talent, et je crois qu’il a îe sens du théâtre. Sa pièce n’est point indifférente; je ne pense pas qu’elle se puisse transporter sur une scène régulière, mais je serais fort étonné s’il n’en écrivait pas d’au tres, qui réussiront sans doute, s’il veut rom pre avec l’esprit de système et revenir à des idées plus saines. II fait le monde trop noir, trop uniformément, trop violemment noir. La famille qu’il nous pré sente ne se compose que d’êtres vils, et qui sont vils avec acharnement, sans une minute de ré pit; qui ont à chaque instant l’air de dire au pu blic : « Hein! suis-je assez vil? Mais regardez donc comme je suis vil. » Et l’auteur semble ajouter tout bas: « Et tous les hommes sont comme çal tous, sans exception. J’ai peint l’hu manité. J’ai fait vrai. » Eh bien! non, il n’est pas vrai que tous les hommes soient d’infâmes gredins, toutes les femmes dés drôlesses, ni surtout qu’ils le soient avec cette intensité, avec cette continuité, sans un éclair de bon sentiment. Et cela fût-il vrai, j’aimerdis autant qu’on ne me le dît pas au théâtre; si j’y vais c’est justement pour me dis traire de ces vilenies par un spectacle plus consolant et plus agréable. Vous souvient-il d’un vaudeville du PalaisRoyal où le vieil Hyacinthe, levant les bras au ciel, s’écriait d’un air navré : Quelle famille 1 quelle famille! Qu’eût-il dit de la famille Reynard, où nous introduit M. Emile Fabre ? M. Reynard est un épicier qui s’est enrichi à vendre sous le nom de chocolat, une denrée où il entrait toutes sortes d’ingrédients et même un peu de cacao. Il occupe à Marseille une belle position de notable commerçant; il est juge au tribunal de commerce. C’est un homme très considéré. Il a eu des moments difficiles à pas ser; deux fois il s’est trouvé au bord de la fail lite. Il a envoyé sa femme, qui était jeune et jo lie, demander à un grand banquier des renou vellements et du crédit. Elle les lui a obtenus; il ne s’est jamais demandé à quel prix. De leur mariage est né un fils et une fille. Le fils, Laurent, est un garçon de vingt-cinq ans, qui n’a jamais fait œuvre de ses dix doigts. On le voit affalé et vautré sur les canapés, qui s’en nuie et bâille, quand il n’a plus le sou. Il a déjà mangé beaucoup d'argent à son père, il signe...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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