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Le Temps, 13 septembre 1898

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Le Temps
13 septembre 1898


Extrait du journal

LÆEJSTTJS PROPOS LE RAISONNEMENT ET LE CARACTÈRE On m’écrit de différents côtés : « Comment avezvous pu médire, il y a quelques jours, du raisonne ment, et l’appeler assembleur de nuages ? Dans l’af faire à laquelle s’appliquaient vos réflexions, c’est le raisonnement qui a tout fait. Bien avant qu’un ha sard qui aurait pu ne jamais se produire eût amené à reconnaître la matérialité du faux accompli par le colonel Henry, le raisonnement avait convaincu les esprits non prévenus qu’il y avait des faux dans le dossier et que la pièce en question était l’un de ces faux. Eût-elle été écrite sur un papier à quadrillage irréprochable, son contenu suffisait à la disqualifier. Ce n’est pas la lampe d’un officier d’état-major, c’est la raison qui a prononcé. » On m’écrit encore : « Comment avez-vous pu dire que l’action est supérieure au raisonnement? Si, dans cette affaire, l’initiative prise par quelques hommes résolus paraît devoir aboutir, c’est, d’une part, qu’ils ont mis l’action au service du raisonne ment; d’autre part, qu’ils ont surtout agi en répan dant aux quatre coins de la France, par la parole et par la plume, des raisonnements justes. » Je suis d’accord avec mes correspondants, sans qu’il m’en coûte la plus légère concession. Oui, cer tes, ce qui a fait la force de l’action exercée par une poignée d’orateurs et d’écrivains, c’est qu’ils avaient, pour eux, la raison. Ils n’ont pas tant cherché à émouvoir qu’à convaincre. Leur polémique a procédé par voie de démonstrations. Ils avaient un problème à résoudre, une vérité à dégager. Ils ont employé le seul moyen connu, qui est de raisonner juste. Et, de même, la découverte du faux en a précédé la . constatation. Celle-ci aurait pu ne jamais avoir lieu: la pièce indéfendable dont s’étaient leurrés deux mi nistres et, avec eux, toute la Chambre, n’eût ni mé rité, ni obtenu jamais aucun crédit auprès d’un es prit libre et d’un bon esprit. Tout cela est vrai, mais n’infirme en rien, il me semble, les observations que j’avais présentées. Ii s’agit seulement de bien s’expliquer et de s'entendre. Le raisonnement sert, à des usages divers.. Quand il se donne pour tâche de guider l’action, il est un moteur précieux et puissant. Mais il arrive qu’on raisonne pour se fournir à soi-même des mo tifs de ne pas agir, non dans une intention égoïste ou par prudence et cautèle, mais parce qu’à force d’enchaîner les inférences, on fait surgir des im possibilités. L’action semble alors inutile, et l’on s’e'n déprend, on s’en décourage. D’autres, qui con cèdent moins à la manie raisonnante, agissent ce pendant, et l’événement prouve quelquefois qu’ils ont eu raison d’agir. 11 faudrait distinguer le raisonnement sobre, qui s’applique à des données réelles positives, et le rai sonnement qui, à perte de vue, table sur des hypo thèses et des conjectures. Le premier est sain, le second quelque peu morbide. Le premier suscite l’action et le second la paralyse. Le premier fait jaillir la clarté dans la nuit et le second, en plein jour, assemble des nuages. , _. _ C’est contre la tentation de raisonner de la sorte • qu’il faut se défendre, si l’on veut ne pas tarir en soi les sources de l’action. Question de caractère après tout, plutôt que de tour d’esprit. Nous ne pensons pas, ainsi qu’on serait tenté de le croire, selon notre tour d’esprit ; nous pensons selon notre caractère. Un esprit médiocrement juste joint à ùn caractère résolu-suffit à trouver souvent la vérité. Un carac tère, irrésolu joint à un esprit môme très juste la manquera en maintes circonstances. On expie, dans la vie, sous les formes les plus imprévues, les travers ouïes faiblesses de caractère. Une fois le mé canisme du raisonnement déclanché, il reste de l’ar rêter à temps. En d’autres termes, il reste de vou loir à temps. Je n’ai pas dit autre chose. — . — L'ASSASSINAT DE L'IMPÉRATRICE D’AUTRICHE LE CRIME D nous arrive, de différentes sources, des détails complémentaires sur l’horrible crime de samedi à Genève. Voici comment la comtesse Sztaray, dame d’honneur de l’impératrice, qui a été le témoin ocu laire du drame, raconte la scène : « Descendus vendredi dernier à l’hôtel Beaurivage, à Genève, pour visiter les environs, nous devions retourner le lendemain à Caux par Territet. Vers une heure et demie, nous quittions l’hôtel. Sa Ma jesté était très gaie. Nous marchions tout douce ment sur le trottoir du quai du Mont-Blanc, quand je vis un homme s’approcher à pas pressés. 11 passa rapidement devant un arbre qui le séparait de nous et, arrivé tout près de l’impératrice, il parut trébu cher. Il avait fait un mouvement de la main. Je pen sai « c’est sans doute pour ressaisir son équilibre », ■ puis il continua son chemin en courant; » L’impératrice avait fait Un pas en arrière, puis...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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