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Le Temps, 15 juillet 1894

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Le Temps
15 juillet 1894


Extrait du journal

LES CONTRIBUTIONS DIRECTES DEVANT LA CHAMBRE , La séance de vendredi, à te Chambre, a été terri blement remplie. Les amendements à 1a loi des con tributions "directes ont commencé à défiler. Rare ment on a vu s’étaler avec une telle inconscience le dédain de l’équilibre budgétaire ou le désir de 1a plus détestable des popularités. Un premier amendement a demandé que te con-, tribution foncière des propriétés non bâties fût ré duite de moitié. Le rapporteur général a fait remar quer que le dégrèvement profiterait «. pour 6*mil lions de francs à 8,220,560 petits contribuables, et pour 58 millions • de francs à 408,000 gros contri buables ». C’était prendre habilement la Chambre par son faible. Quand elle a vu qu’elle allait favori ser « les gros », elle a reculé d’horreur. Toutefois, comme l’amendement tendait à rejeter sur les va leurs mobilières le poids des sommes dont eussent été déchargés les détenteurs de propriétés non bâ ties, il s’est trouvé un. certain nombre d’esprits sé duits par cette dernière perspective. Déprécier les valeurs mobilières, attaquer l’épargne, ébranler le marché financier et la Bourse, , quelle aubaine ! L’a mendement a donc encore réuni 145 voix, minorité respectable. Il a été écarté par 304 voix. Puis est arrivé un amendement tendant à accroî tre le nombre des magasins considérés comme « grands magasins » et frappés, à ce titre, de taxes * exceptionnelles. Il s’agit, a dit M. Prudent-Dervil1ers,' d’avoir égard; « à ceux qui sont écrasés par les grandes maisons de commerce en rétablissant entre les opérations des petits et des grands magasins un peu plus d’égalité ». Ce sont là des mots. Au fond, il s’agit de détruire, dans 1a mesure du possible, par une législation fiscale arbitraire, les avantages que procure à la foule des acheteurs l’économie que les grands magasins retirent de 1a réduction de leurs frais généraux. Le commerçant qui vend dix cha peaux et celui qui parvient à en vendre mille ne ' sont pas, c’est certain, dans, les mômes conditions, ; et le second peut consentir à ses clients des prix qui seraient ruineux pour le premier. Ce que l’a mendement propose, c’est de grever le « gros » commerçant, dé manière à décourager l’initiative, à limiter les affaires, à niveler les situations. M. Boutin a fait remarquer, au nom du gouver nement, que l’adoption de l’amendement aurait un double effet : d’une part, les droits de patente se raient relevés de 67 0/0 en moyenne pour les éta blissements atteints: l’augmentation irait même,' pour l’un d’eux, jusqu’à 185 0/0; d’autre part, 1a pro vince seule, étant donné le libellé de l’amendement, . eût été frappée. L’honorable commissaire du gou vernement a invité, en conséquence, 1a Chambre à attendre au moins, pour aborder l’étude de cette question complexe, la révision quinquennale de la loi des patentes, révision qui tombe l’année pro chaine. Personnellement, M. Boutin a reçu de la Chambre L’accueil le plus flatteur ; elle a tenu à lui marquer de quelles sympathies il est entouré. Mais l’unique résultat des observations si judicieuses de l’hoiïorable commissaire du gouvernement a été de faire étendre à Paris la disposition qui visait les dé partements. Par 355 voix contre 112, l’amendement ainsi rectifié a été pris en considération. On aura à voter sur le fond ultérieurement. , Un amendement à prétentions plus modestes, tendant à changer de classe un certain nombre de représentants de commerce pour les dégrever, n’a pas eu une égale fortune. En vain l’auteur de l’amen dement a critiqué le système des « signes exté rieurs » et semblé regretter qu’on ne connût pas « le revenu par déclaration » ; la Chambre ne l’a pas suivi. M. Boutin a rappelé avec quels ménagements l’administration des contributions directes applique la loi des. patentes, quelles difficultés l’élaboration - de cette loi a rencontrées, le danger de modifications ■ improvisées. . Par 273 voix contre 217, elle a repoussé l’amende ment. • Mais voici une question plus grave : M. Terrier demande que les patentables ayant des enfants voient diminuer d’un dixième par chaque enfant le droit proportionnel de patente sur l’habitation. Pourquoi les patentables auraient-ils ce dégrève ment, et non les ouvriers ou lès cultivateurs? Mys tère ! Il s’agit d’un dégrèvement qui fera perdre plu sieurs millions à l'Etat; 5 ou 6 millions, dit M. Ter rier; 20 on 25, dit.M. Poincaré. Et avec quelles recettes y fera-t-on face? Un prélèvement égal sur les successions aurait lieu. Mais, si l’on prend un revenu quelconque sur les produits actuels des droits de succession, on aura creusé un trou pour en boucher un autre. C’est donc d’une augmentation des droits existants que l’amendement a voulu parler; mais dans quelles proportions seraient-ils accrus? Quelle singulière façon de faire des lois 1 Le ministre des : finances l’a nettement dit à 1a Chambre, et celle-ci, par 322 voix contre 161, lui a donné raison en re poussant l'amendement. M. Terrier s’en est vengé en s’écriant : « C’est un hommage à la stérilité I » Mais non, ce n’est qu’un hommage au bon sens. Autre proposition de dégrèvement : M. Jaurès réclame une diminution de soixante-neuf millions sur le chiffre global des contributions directes. Un point, c’est tout. Le gouvernement mettra le budget en équilibré comme il pourra. N’est-on pas effrayé, vraiment, en songeant que le hasard des événe ments pourrait mettre 1a fortune de 1a Fran ce, la gestion de nos finances,. 1a garde du crédit public, en de telles mains ?M. Jaurès a daigné...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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