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Le Temps, 18 mars 1896

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Le Temps
18 mars 1896


Extrait du journal

Voici maintenant comment fonctionne cette ma chine si compliquée en matière électorale ot parle mentaire ; car, bien que le parti ouvrier n’attende la réalisation intégrale de son programme que de •lu révolution violente, il prend part à la lutte poli tique, y trouvant des avantages au point de vue de la diffusion de ses théories et aussi au point de vue financier, grâce à l’impôt prélevé sur l’indemnité des élus. • , Quelque temps avant l’ouverture de la période électorale, les groupes présentent leurs candidats à 1’ « Union fédérative » de leur région. L’Union fédé rative s’assure d'abord si les « militants » présentées remplissent les deux conditions sine qua non imposés par Le programme : être syndiqué et membre de la secte depuis deux ans au moins. Elle examine en suite leurs titres particuliers et met leurs candida tures aux voix. Si le candidat proposé par le groupe ne réunit pas la majorité à 1’ «Union fédérative », le groupé est invitéà présenteràcette assemblée un au tre citoyen. Lorsque plusieurs groupes désignent à la fois un candidat pour le môme siège, c’est encore à 1' « Union » qu’il incombe de choisir entre les compé titeurs. S’il s’agit de candidatures au conseil muni cipal, la décision de F « Union » est jugée suffisante. Mais, quand il s’agit de candidatures législatives, c’est le « secrétariat général » du parti qui décide en dernier ressort. Le candidat doit réunir la majorité d’abord dans F « Union fédérative », ensuite dans le « secrétariat ». Il ne peut se présenter devant cette chambre haute que nanti du vote préalable de son « Union fédérative ». Dès que le candidat officiel du parti est définitivement choisi, il doit déposer, à titre de garantie, entre les mains de l’organisation com pétente, sa démission en blanc. Aussi bien il ne faudrait pas croire que l'infortuné, une fois élu, recouvre une liberté relative. Au contraire, c’est surtout à partir de ce moment qu’il sentira le poids des chaînes dont on a chargé sa volonté. Toute initiative privée lui est formellement inter dite. S’il est député, il appartiendra corps et âme au « secrétariat général ». S'il est conseiller muni cipal, à F « Union fédérative ». Son rôle se bornera à déposer et à soutenir les projets de loi ou les pro positions que lui dictera son parti. Le « secrétariat général » est un véritable parle ment ouvrier. La situation politique y est examinée hebdomadairement et, après discussion, on décide, s’il y a lieu de faire intervenir tel ou tel député dans tel ou tel débat. En rentrant ie soir à son domicile, le député trouve un ordre lui dictant l’attitude qu’il aura au Parlement dans le débat prochain. Il est souvent informé de la môme façon qu’il doit le len demain prononcer un discours à Lille ou à Mar seille. L’Union fédérative exerce une action identique sur les conseillers municipaux. C’est à ce groupe ment qu’ils doivent remettre les demandes de se cours de loyer reçues par eux. Une commission d’enquête est nommée et statue aux lieu et place du conseiller sur la suite à donner à ces demandes. Le conseiller municipal allemaniste n’a môme pas le droit de s’entretenir seul à seul avec ses électeurs. Il est, durant son jour de réception, flanqué d’un ou deux membres du comité, lesquels membres don nent leur avis sur les faveurs à accorder aux élec teurs. La prépondérance du parti ou du comité sur le corps électoral est telle que celui-ci ne possède plus aucun droit sur son député ou sur sou conseiller. L’élu est, cependant, autorisé à rendre compte de son mandat en réunion publique, mais à la condi tion qu’il ne tienne aucun compte des avis formulés par ses électeurs non affiliés au parti. Le parti seul se réserve le droit d’apprécier sa conduite. S’il a dé mérité, il est traduit devant la chambre du parti de .laquelle il relève. Cette chambre s’érige en cour de justice. Un rapporteur fait office d’avocat général. L’élu incriminé présente lui-même sa défense. S’il est jugé coupable, sa démission est envoyée au pré sident de l’assemblée à laquelle il siège. Les élus allemanistes, ainsi garrottés, n’ont môme pas la ressource de dire comme le personnage du vaudeville : « Au moins on est nourri 1 » Ils se plai gnent que le parti leur ôte de plus en plus le pain de la bouche. De tout temps, le parti ouvrier a pré levé un impôt sur leur indemnité. Ce furent d’abord quelques centaines de francs, puis mille francs. En dernier lieu, l’élu versait à la caisse de la secte de quinze cents à dix-huit cents francs ; mais le taux de l’impôt n’avait pas encore été définitivement fixé. Le dernier congrès régional décida que désormais le secrétariat général pour les députés, l’Union fé dérative du Centre pour les conseillers, toucherait directement l’indemnité allouée aux élus et les ré munérerait ensuite à raison de quatre mille francs par an. En revanche, le parti ouvrier s’engageait à rembourser aux élus tous leurs frais, toutes leurs dépenses, à la condition de remettre au trésorier une note détaillée. En un mot, les allemanistes, qui réclament l’abolition du. patronat, entendaient sur tout faire de Leurs élus des salariés. Ce sont ces dernières exigences qui ont motivé les démissions dont nous parlions au début. Les dé putés et conseillers réfractaires, ainsi que les comi tés qui les soutiennent, ont été mis au ban du parti, et aujourd’hui les forces allemanistes se trouvent scindées en deux camps dont l'importance numéri que est à peu près égale, les « orthodoxes » gardant néanmoins, semble-t-il, un léger avantage. Par le tableau que nous venons de tracer, on voit comment, parmi les collectivistes, se conçoivent la hiérarchie et la discipline, et nous pouvons imagi ner à quel esclavage serait soumise la société si les doctrinaires, qui ont combiné ce système de com pression savante, pouvaient jamais l’appliquer en grand. N’est-il pas aussi bien piquant d’entendre ceux qui ont en pareil mépris le suffrage univer...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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