Extrait du journal

seils pour les proportionner à la faible intelli gence qu’il suppose chez Agnès, ou pour lui faire peur, comme à un enfant que l’on sait crédule on parle de Croquemitaine avec de grands gestes de terreur? Cette nuance se doitelle faire sentir dans le débit? et jusqu’à quel point? et de quelle façon ? Il m’a bien semblé que Leloir laissait percer quelque chose de cette ironie intérieure lors qu’il dit à Agnès : Qu’il est aux enfers des chaudières bouillantes Où l’on plonge à jamais les femmes mal vivantes. et qu’il cherchait à rattraper l’éveil que pou vait produire sur l’imagination d’Agnès cette intonation trop menaçante pour être vraie, en ajoutant: Ce que je vous dis là ne sont pas des chansons, Et vous devez du cœur dévorer ces leçons. Est-ce ainsi qu’il faut traduire le morceau ? Je serais bien embarrassé, si j’étais professeur de diction au Conservatoire Dont me veuille garder la céleste bonté ! Tout le long du rôle, Arnolphe est très amou reux et très jaloux. Mais comment doit-ii l’être? En ridicule Cassandre ou en homme qui souf fre? 11 a des cris bien vrais et bien profonds pour n’être qu’un vieil imbécile, dont la passion ne saurait être qu’un objet d’amusement et de risée pour ceux qui en observent les éclats. Et, d’un autre côté, s’il donne au personuage un accent de vérité trop pathétique-, comment fera-t-il rire (et il faut absolument qu’il fasse rire). dans la merveilleuse explosion du cin quième acte? Veux-tu me voir pleurer? Veux-tu que je me batte? Veux-tu que je m'arrache un côté de cheveux? Veux-tu que je me tue? ’ Tout cela n’est pas commode à arranger, et je conçois qu’un comédien soucieux de son art n’aborde pas sans tremblement ces redoutables rôles. Leloir a encore l’aspect un peu jeune et l’allure un peu maigre pour le personnage. L’âge lui en donnera l’ampleur et l’autorité. Il y est dès à présent curieux et même supérieur. . C’est Boucher qui faisait Horace. Boucher a longtemps vu dans ce rôle Delaunay, qui y était incomparable de jeunesse, de vivacité, de grâce. Personne n’a jamais lu et ne lira jamais comme lui la lettre d’Agnès. Quelle tendresse il y mettait ! Boucher’ s’est formé sur ce modèle inimitable. Il n’est pas indigne de lui. Il est alerte, gai et vivant. Il sait dire ; il possède la tradition du vieux répertoire. C’est un artiste précieux. 1...