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Le Temps, 20 octobre 1892

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Le Temps
20 octobre 1892


Extrait du journal

recourt d’ordinaire pour excuser et atténuer toutes les trahisons, toutes les infamies. Mais, en somme, quelle sorte de relation a eu lieu en tre elle et Philippe Arborio? Dans quelles cir constances s’est-elle abandonnée? » Une curiosité atroce me torturait. Mon expérience même me suggérait diverses hypothèses. Les images ap paraissaient, se transformaient, se succédaient, nettes et rapides. Je revis Juliane devant la glace, en ce jour de novembre, son attitude lorsqu’elle attachait le voile à son chapeau; la couleur de sa robe et puis sa marche légère' sur le trottoir, du côté du soleil. Ce matin-là, peut-être, elle allait à un rendez-vous. Je souffrais une torture sans nom. La fureur de savoir me mettait l’âme au supplice. Ma rancune contre Juliane devenait plus âpre. Pour ne point céder à ùn emportement odieux, il était indispensable de fuir. Mais ma volonté semblait frappée de paralysie : je n’étais plus maître de moi. L’Autre, depuis l’instant où il avait surgi dans ma pensée, n’avait pas cessé une minule de m’obséder l’esprit. Etait-ce Philippe Arborio? Avais-je deviné juste? Ne me trompais-je point? Brusquement, je me tournai vers Juliane. Elle me regarda, Mais la question subite resta étranglée dans ma gorge. J’abaissai les yeux, je courbai’la tête, et, avec le même raidissement spasmodique que j’aurais ressenti en m’arra chant de quelque endroit du corps un lambeau de chair vivë, j’osai lui demander : — Le nom de cet homme ? * Ma voix était tremblante et-rauque et me faisait mal à moi-même. A cette demande imprévue, Juliane tressail lit, mais demeura muette. — Tu ne réponds pas? insistai-je en m’effor çant de réprimer la colère qui était sur lé point de m’envahir, cette colère aveugle, qui, déjà, la nuit précédente, avait passé sur mon esprit comme une rafale. — Ah I mon Dieu ! gémit-elle avèc désespoir, en s’abattant sur le côté, en cachant sa figure dans un coussin. Mon Dieu! mon Dieu! Mais je voulais savoir à tout prix. Je voulais lui arracher l’aveu. ; — Tu te souviens, continuai-je, tu te souviens de cette matinée où j’entrai dans ta chambre à l’improviste, vers les premiers jours de novem bre ? Tu te souviens? J’entrai sans .savoir pour quoi, parce que tu chantais. Tu chantais l’air d'Orphée ; tu t’apprêtais pour sortir. Tu te sou viens? Je vis un livre sur ton bureau, je l’ouvris, je lus sur la garde une dédicace... C’était un roman, le Secret... Tu te souviens? Elle restait abattue sur le' coussin, sans ré pondre. Je me penchai vers elle. Je tremblais d'un frisson semblable à celui qüi précède le froid de la fièvre. J’ajoutai : „...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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