Extrait du journal

H L’enfance de Perrine fut confinée dans la cour de la ferme. Tout d'abord ses parents avaient repris con fiance, en la voyant croître et s’épanouir aussi bien que les autres bébés. Si son regard n’eût pas été parfois trop mobile et ses sourires trop prolongés, on aurait même oublié bientôt les craintes du mois d’août. Mais, quand on voulut, au retour du prin temps, lui apprendre à marcher, on ne douta plus que le malin n’eût parlé sur son berceau ; ses jambes étaient si raides, ou si endiablées qu’elle mit deux fois plus de temps que Yvon à débrouiller cet alphabet-là. Et encore ne le sut3lle guère bien : une fois livrée à elle-même, elle n’avançait que par saccades, la tête en avant, comme les fous ; ses pas s’arrêtaient brusquement ou so précipitaient, faute de cette parcelle de raison qui rythme les habitudes. . L’épreuve la plus terrible fut l’apprentissage de la parole. Les paysans ne se soucient pas de le provoquer, car le temps leur manque pour aider à la nature. Aussi ne se fût-on guère in quiété autour de Perrine, si elle avait seulement retardé l’heure de délier sa langue et d’imiter les sons qu’elle entendait. Mais l’étrangeté de ses premières tentatives acheva de convaincre ceux mêmes qui ne voulaient pas avouer leur malheur ; des sons rauques et inarticulés sor taient, non de sa bouche, mais du fond de sa gorge, et causaient à son frère autant de frayeur qu’un aboiement. — Elle parie comme le bohémien, dit Mary’vonne à Landier ; je reconnais bien le jargonnejmentdu marchand d’aiguilles et de rubans. Il lui a, c’est sûr, mis le doigt sur les lèvres pour fui nouer sa langue. C’est aussi une preuve d’imbécillité qu’une ’• ' ■- ' ’i : -|' ;•••_ y '-j-1 'Reproduction inter dite, - - - . . —...