Extrait du journal

que les pierres n’avaient pas toutes la même arête tranchante, ni la même résistance, et en commença le triage. Ensuite, comme elle ôpui-, sait sa provision, elle imagina do la renouveler en brisant les cailloux les plus gros les uns con tre les autres : parmi les fragments, il s'en trou vait toujours d’utilisables, dont elle avivait en core le fil par une taille de plus en plus adroite. Si Perrine en avait été réduite à se procurer elle-même sa nourriture, elle aurait sans doute mis bientôt à profit l’habileté qu’elle venait d’acquérir Ce fut l’occasion, plus lente que la nécessité, qui lui apprit à remplacer la distrac-: tion du tir par les émotions de là chasse. Un écureuil grimpait autour des branches de la cible habituelle ; l’enfant l’aperçoit, le vise et ne réussit qu’à le faire glisser en fuyant sur la ter rasse des arbres voisins; mais, du coup, elle a franchi le premier degré de l'intelligence; elle connaît maintenant l’attrait de la cruauté. A l’heure où le soleil n’éclaire plus que la cime des grands arbres, et où la fraîcheur ra nime les dessous du bois, par les sentiers com mencent à s’aventurer les bêtes du soir et de l’ombre. Les lapins quittent leurs terriers, avan cent de quelques pas, s'arrêtent, dressent les oreilles, approchent encore, ou déguerpissent au moindre bruit. L’innocente, qui s’est tapie derrière un tronc d’arbre, les guette, et lance une pierre bien tranchante contre lé plus imprudent. Elle en atteint quelquefois qui se sauvent en poussant un cri aigu de nouveàu-né. Ce demisuccès lui enseigne là patience des longs affûts. Un jour enfin, l'un de ceux qu'elle a touchés ne s’enfuit pas et, après quelques soubresauts sac cadés, reste étendu sans mouvement. Perrine s’approche, regarde et comprend- En son cœur tressaillent les palpitations de sa première joie ' elle sait donner la mort. En prenant ranimai, elle se tache les doigts I de sang et Voit que la pierre a fait une profonde...