Extrait du journal

On attend avec quelque curiosité les commentaires auxquels ne manquera pas de se livrér la presse anglaise. Le Times publiait précisément avant-hier une communication fort intéressante d'un explorateur africain qui se livrait avec toute l'aisance d'un pur théoricien au partage du continent noir. Au nord, il donnait le Maroc à l'Espagne, la Tripolitaine à l'Italie, et l'Egypte à l'Angleterre, et croyait assez indemniser par l'oasis de Figuig la France, à l'œuvre civilisatrice de laquelle il ne pouvait s'empêcher de rendre en passant un bel hommage. A l'est, il attribuait à l'Allemagne la haute main sur la région des Grands Lacs, et enlevait au Portugal, au profit de l'Angleterre et en vertu de l'axiôme Quia nominor leo, la baie de Delagoa. Au sud, il revendiquait pour l'Angleterre tout le continent, en se fondant sur ce que ses marchands et ses missionnaires avaient rendu sensible aux indigènes « la supériorité de sa foi et de ses fabriques ». A l'ouest, il consolidait les possessions britanniques du golfe de Guinée, cédait à l'Allemagne la baie de Wallfisch, et offrait à la France, sur le Niger, une petite fiche de consolation en lui permettant de s'étendre au nord du fleuve jusqu'à Tombouctou. On voit les ambitions démesurées qui hantent les esprits en Angleterre. Il y a loin, toutefois, encore, de ces rêves à la réalité, et l'Allemagne, en se garnissant les mains, semble viser à devancer sur certains points le Royaume-Uni et à se tailler en plein continent noir un véritable empire colonial....