Extrait du journal

XXIV Rien de nouveau à la Badiola. Mon absence avait été très courte. On fêta mon retour. Le premier regard de Juliane m’exprima une gra titude infinie. — Tu as bien fait de revenir vite, me dit ma mère avec un sourire. Juliane n’avait plus de repos. Maintenant, nous espérons, tu ne nous quitteras plus. Elle ajouta, en faisant allusion à l’événement attendu: ' — Ne remarques-tu point de progrès? Et, à propos, t’es-tH souvenu des dentelles?Non? Quel oublieux! Ainsi, sans le moindre délai, dès les premiè res minutes, mon supplice recommençait. Aussitôtque nous fûmes seuls, Juliane et moi, elle nie dit : — Je n’espérais pas que tu reviendrais si vite. Comme je te suis reconnaissante ! Dans.son attitude, dans sa voix, il y avait de la timidité, de l’humilité, de la tendresse. Jamais je n’avais été aussi frappé du contraste entre son visage et le reste de sa personne. Sur ce vi sage, il y avait, continuellement visible pour moi, une expression singulière de chagrin qui trahis sait la continuelle révolte de cette femme contre la maternité honteuse et déshonorante dont son corps était affligé. Cette expression ne l’aban donnait en aucune circonstance ; elle transpa raissait visiblement à travers la diversité d’au tres expressions fugitives, qui, quelle que fût leur force, ne parvenaient pas à l’effacer; elle était fixée et adhérente, et elle m’apitoyait, et elle m’ôtait mes rancunes, et elle me voilait le fait brutal, trop évident désormais aux heures d’ironique perspicacité. — Qu'as-tu fait ces jours-ci ? lui dis-je. — Je t’ai attendu. Et toi? — Rien. J’ai désiré revenir. — Pour moi ? demanda t-elle, timide et humble. Droit de reproduction réservé....