Extrait du journal

tienne aux œuvres représentées dans la maison de Molière. Le malheur voulut que cette année-là le pre mier prix de comédie fût donné à une jeune femme qui n’avait pas un grand talent et qui depuis a disparu du théâtre : Mlle Waldteufel. Ce fut une indication pour les jeunes gens qui devaient se présenter aux concours suivants. Dumas portait bonheur. Il n’y avait de prix que pour ceux qui disaient du Dumas. En 1889, nous avons eu vingt et un numéros de comédie, et, sur ces vingt et un, cinq seule ment ont été pris dans le répertoire classique. En 1890, il n’y en aura peut-être pas un seul. L’un ou l’une des élèves (peu importe) qui avait concouru cette année dans une scène classique s’était trouvé ne rien avoir. Il ou elle se désolait, et, se tournant vers une personne plus âgée qui lui prodiguait de bonnes pa roles : — C’est de votre faute, lui criait-il; c’est vous qui avez voulu que je dise du vieux répertoire; si j’avais dit, comme les autres, du Dumas ou du Pailleron, j’aurais été nommée, moi aussi. C’est à cette heure l’idée de tous les élèves. Il n’y en a pas un... entendez-vous bien... pas un qui ne soit profondément persuadé que choisir du classique, c’est mettre toutes les chances contre soi. Et ce qu’il y a de plus fâ cheux, c’est qu’ils n’ont peut-être pas tout à. fait tort. Le classique est très difficile à dire. On me contait hier que M. Réty, causant de cette si tuation avec Dumas, lui avait dit : « Il n’est pas prouvé du tout qu’un élève qui dit fort bien du Dumas pourrait dire du Molière, tandis qu’il est certain qu’un élève qui dit fort bien du Molière pourrait dire du Dumas. » Il avait cent fois raison. Ce que l’on doit avant tout apprendre au Conservatoire, c’est l’art de dire en général, c’est la diction, et elle ne s’apprend bien qu’en étudiant les maîtres anciens. Une fois qu’on la possède, on l’applique à tout. Mais il faut d’abord la posséder à fond. Le jury au Conservatoire ne devrait deman der aux concurrents qu’une chose : « Prouvezmoi que vous savez dire ; prouvez-moi que vous avez profité des études que vous avez dû faire au Conservatoire de déclamation. » Avez-vous une bonne articulation, très nette et très juste? Savez-vous conduire une longue période, en respirant à propos, en marquant par des nuances insensibles de voix l’impor tance relative de chacun des membres de la phrase, en frappant d’un son plus fort les mots de valeur? Savez-vous, même dans les plus grands emportements de passion, garder une juste mesure et donner une impression d’har monie générale? En un mot, savez-vous l’art...