Extrait du journal

Voilà longtemps que j'étais en relations avec lui : oh i vous savez, ces relations à éclipses que l'on a entre gens qui travaillent chacun de son côte, qui vont chacun vers le but qu'il veut atteindre ; on reste des mois et des mois sans se voir ; soudain, on se rencontre, dans un salon, à une table de banquet, au coin d'une rue ; on se serre la main, longuement, chaudement ; on se demande mutuellement comment l'on se porte, — et chacun, cependant, observe à la dérobée, sur le visage de l'autre, la trace des luttes soutenues,des souffrances subies, des années vécues ; on échange, en quelques mots rapides, ses rêves, ses espoirs, ses volontés; déjà, on est reparti, chacun ressaisi par la main de fer qui le traîne le long do la route difficile, chacun poussé par la voix impitoyable qui lui crie : — Marche ! marche, infortuné ! sans repos, sans trêve, va ! cours ! haletant, le front en sueur, les pieds en sang ; poursuis ton rêve, poursuis la chimère, va ! jusqu'à ce que la mort te couche dans le fossé du chemin....