Extrait du journal

DÉPÊCHE TÉLÉGRAPHIQUE Partie de Paris, le 27 Juin 1843, à 8 heures J/2 du malin. Aujourd'hui, Paris jouit de la plus parfaite tran quillité ; tout est rentré dans l’ordre. Encore une fois la victoire est restée au parti de l'ordre. Mais combien elle a coûté cher et quelle blessure profonde elle a faite au cœur de la pairie ! Une foule innombrable du citoyens massacrés, des pères, des enlans ravis à leurs familles éplorées, de braves soldais, des généraux que vingt combats contre les ennemis de lu France avaient épargnés et qui tombent sous un plomb fratricide. Voilà ce qu’a produit cette épouvantable guerre civile dont le drapeau sanglant s'est promené quatre jours dans les rues de Paris ! El quels affreux incidens ! Cette douloureuse épreuve sera-t-elle au moins la dernière ! Dieu le veuille ! Espérons ; mais craignons encore de nous livrer à une confiance aveugle , et veillons plus que jamais au salut de l’avenir. Trois fois déjà. depuis lévrier, l’orage s’est amassé sur nus lêles. 11 nous menaçait le 17 mars; le 17 mars la patrie fut sauvée. 11 nous menaçait le 16 avril ; ce jour-là, la pairie lut encore sauvée. Le 16 avril nous a conduits au 15 mai ; le 16 mai 1 anarchie se trouva léduite à l’impuis sance et tous les citoyens honnêtes durent croire que c’eu était fait pour longtemps de ses tentatives in sensées. Et cependant un mois après, elle relevait la fêle plus terrible que jamais et mettait la France à deux doigts de sa ruiue! . _ Une ère nouvelle va-t-eile enfin s’ouvrir ? L’ordre, la confiance et la prospérité du pays qui ont été si profondément compromis , vont-ils enfin renaître après tant d’ébranlemens et de malheurs ? Oui, si uu Gouvernement énergique prend la place d’un Gouvernement faible ; oui, si ce Gouvernement ne transige point avec le sentiment de ses devoirs; s’il ne se laisse pas entraîner à la dérive par les idéo logues et les dangereux utopistes, s’il ménage les deniers de l’État livrés 'à de coupables dilapidations, s’il épure l’administration salie par des agens infidèles et immoraux ; oui, enfin, si une constitution lorte, laite à la taille.de la natibn, vient sauvegarder tous les intérêts et protéger la liberté contre la licence, l’ordre contre l'anarchie. C’est à ces conditions seules que le calme et la con fiance leparultront, que des espérances si longtemps déçues ne seront pas de nouveau trompées , et que l’effroyable crise dont nous venons de sortir portera les fruits que la France a le droit d’en attendre. Sous la douloureuse impression produite par les évènemens de Paris , nous aurions voulu nous in terdire tout reproche amer, toute parole d'incrimi nation , pour nous réfugier, silencieux et tristes, dans le sentiment du deuil général. Mais il est des circonstances où se taire serait une indigne faiblesse, où protester devient un devoir. Pendant cinq jours la capitale est livrée à toutes les horreurs delà guerre civile, pendant cinq jours des Français égorgent des Français, le sang coule à flots, les cadavres s’amoncèlent dans les rues. Ce Paris, autrefois si riche, si florissant, si envié de toutes les nations du monde , reste, pendant cinq jours consécutifs livré aux fureurs de 1 anarchie. Le tocsin sinistre , le bruit des tambours battant la charge, les coups de canon, la fusillade , voilà ses fêtes !... Uh crêpe funèbre couvre la grande capitale des arts et de l’industrie, le centre glorieux de la civilisation ! Honte éternelle aux partis qui auraient pu souiller leur drapeau dans ces orgies sanglantes ! Honte éternelle aux ambitieux de toules*les opinions qui auraient pu tremperdanscctle effroyable catastrophe et fonder l’espoir de leur triomphe sur les malheurs publics ! Mais, avant que la vérité se fasse jour, et que...