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L’Ère nouvelle, 23 octobre 1927

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L’Ère nouvelle
23 octobre 1927


Extrait du journal

était le même. Il avait adopté le genre bonhom me auquel son physique et son esprit se prêtaient admirablement. Baptisé « notre oncle » par Alphonse Allais, il était de toutes les familles que composaient son auditoire et ses paroles étaient d'évangile, ce qui le dispensait de pré parer ses causeries, que, très érudit, il improvi sait suivant l'humeur de chacun de ses publics. Sans aucun parti pris quand il s'agissait des classiques, il était malicieusement sévère et vo lontairement injuste quand il parlait des nova teurs pour lesquels, au fond de son cœur, il nourrissait une grande tendresse, car ils lui pro curaient l’occasion d étaler facilement un bon sens à la portée de toutes les intelligences. Comédien consommé, il accentuait encore son parler paysan, bredouillait et déformait dans le sens du comique, quand il ne les écorchait pas cruellement, les noms de ceux qui lui étaient antipathiques, et ne caignait pas de fredonner les couplets de chansonnettes aimables et légè res pour accompagner les exécutions sommaires auxquelles il procédait avec méthode et préci sion. Dan$ la coulisse, c'est-à-dire dans les cou loirs ou chez lui, rue de Douai, il se plaisait à ranimer ses victimes, se montrant étonné et contrit de la violence des coups qu’il leur avait portés, se désolait des suites qui pouvaient en résulter, leur prodiguait d’excellents conseils vt les réconfortait souvent meme d’un succulent déjeuner en attendant de remettre ça à la prochaine occasion. Ça n’avait du reste aucune importance ! se plaisait-il à déclarer. Ses victimes se portent assez bien ; beaucoup se prélassent au sein de la docte Académie où ; il refusa toujours de s’asseoir, ou occupent les | plus hauts grades dans la Légion d’honneur dont ! il dédaigna de faire partie. La mise en scène de ses conférences était simple : un livre à droite, l’oeuvre du patient, un verre d'eau sucrée à gauche, le nez chausué d'énormes besicles qui accentuaient les rondeurs du crâne, du nez, de la barbe, du plastron, du dos et du geste, il parcourait le livre, en décla rait d’abord l’auteur génial, puis, l’analysant, il en soulignait les imperfections ; de son petit oeil malin, il sondait «on public, suivait ses im...

À propos

L’Ère nouvelle a été fondée en décembre 1919 par deux socialistes déterminés, blessés de guerre : Yvon Delbos (1885-1956) et Gaston Vidal (1888-1949). Elle se définit en se sous-titrant « L’Organe de l’entente des gauches », et restera tout au long de son existence proche du parti radical. Malgré son faible tirage, le journal exerçait une influence importante dans le monde parlementaire.

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