Extrait du journal

Mardi dernier, le roi Fouad F1' est entré dans la bonne ville de Paris, qui lui a fait un ac cueil enthousiaste, il s’était fait inscrire, la veille au so;r, comme un simple voyageur au Trianon-Palace de Versailles. Son voyage de V ersailles à Paris a été particulièrement long : on lui a fait faire plusieurs fois le tour de la capitale. Il pouvait ainsi s’imaginer un peu qu’il arrivait de ses Etats. On 1 a conduit en grande pompe au quai d Orsay, qui a changé immédiatement d’as pect. Ce ministère qui, comme tous les autres, est un centre d activité et une usine à papiers, a été promu au rang de palais royal. Les huissiers de la porte d’entrée se sont transformés. Ils ont revêtu la redingote bleue dorée, la culotte rouge, les bas blancs, les es carpins vernis. Ils se sont affublés d’un magni fique bicorne à la Napoléon ; ils ont ceint une immense écharpe bleue dans laquelle ils ont passé leur épée inoffensive au pommeau d’ar gent. Debout dans l’antichambre ils tiennent de leur main gantée de fil blanc une hallebarde grandiose. Ils ont 1 air à la fois de conquérants et de Suisses d'église. Les huissiers à chaîne, serviteurs immédiats du ministre, sont en habit noir, culottes de soie courtes. Ils tiennent à la main un bicorne qu ils ne mettent jamais. Suisses et huissiers sont couverts de décora tions qui émanent de tous les souverains des cendus dans cette hôtellerie confortable et bon marché. Ils ont tous le Nicham-lftikar, une mé daille roumaine, une médaille marocaine, les palmes académiques, etc., etc... Ils font grand effet. Le château royal est sous la direction d'un commandant du palais, chef de bataillon de la garde. Après huit heures du soir, les attachés et les visiteurs habituels sont étonnés de se voir ré clamer un laisser-passer. Dans la nuit, des rondes sont faite$ dans les salons rouges par un officier protocolaire et sou riant, une lanterne à la main. Une garde royale est en permanence au pa lais, elle est formée d’une section de la garde... républicaine. Un instant, les suisses retirent leur bicorne, leur écharpe et leur épée et se reposent, les huissiers bavardent....